Dernier concert de l'année 2025. Et pour l'occasion, un petit goût d'inédit. Tout d'abord, parce que c'était le premier concert de ce nouveau trio. Ensuite, parce que c'était la première fois que je voyais chacun des trois musiciens sur scène. Enfin, parce que si les noms de Christophe Imbs (piano) et Etienne Renard (contrebasse) ne m'étaient pas inconnus, je n'avais jusqu'à présent pas vraiment eu l'occasion de les écouter attentivement. Il n'en allait pas de même pour Sun-Mi Hong, batteuse amstellodamoise d'origine coréenne, déjà entendue sur disque, aussi bien comme leader que comme sidewoman, dans des contextes variés, d'un jazz mélodique élégant à des territoires plus free. Sa présence était la motivation principale de ma venue. J'arrivais néanmoins à ce concert sans beaucoup de références par rapport à la musique qui allait être jouée.
L'instrumention piano, contrebasse, batterie est un canon de l'histoire du jazz, mais les trois musiciens arrivent néanmoins à proposer une approche loin des repères habituels. Pour dire ce qu'elle est, peut-être est-il plus simple de dire ce que cette musique n'est pas. Il ne s'agit pas d'un jazz patrimonial ancré dans les références post-bop. Ici, pas d'exposition de thèmes ni de succession de solos. Plutôt des mélodies qui serpentent via des chemins de traverse, dont on ne peut pas toujours deviner à l'avance les virages. Il ne s'agit pas non plus d'un groupe de free jazz. Sa liberté se situe plutôt dans une variation des climats, au sein de chaque morceau, que dans un jeu affranchi des repères tonaux ou rythmiques. Pas non plus un power trio qui appliquerait une recette attendue à base de boucles obsédantes et de crescendo inéluctable. Le trio module les vitesses et les puissances, s'autorise groove et passages "catchy", mais est loin de s'en contenter ni de s'y résumer.
Christophe Imbs installe souvent des boucles rythmiques avec sa main gauche, alors que sa main droite déploie des mélodies non linéaires. Sun-Mi Hong alterne les registres, offrant une palette rythmique large autour de laquelle le pianiste enroule ses mélodies. Sur la première moitié du concert, Etienne Renard semble un peu en retrait, assise centrale qui ancre une musique qui se résume surtout à un dialogue plein de surprises entre piano et batterie. Mais sa présence gagne en épaisseur au cours du concert, et il se retrouve finalement lui aussi à proposer des passages moins prévisibles, plus variés, qui renforcent l'approche décadrée du trio. Les titres des morceaux font référence à des morceaux de vie, que Christophe Imbs présente avec humour au public, d'abord en anglais pour que la batteuse comprenne, puis au fur et à mesure de plus en plus en français. La musique n'est en rien illustrative, mais elle conserve cette approche joyeuse et ludique, pleine d'inattendu, que le leader retient de réflexions de sa fille ou de quiproquo expérimenté sur la route ou dans le train.
Sur la fin du concert, Christophe Imbs utilise également des effets électroniques qui distordent le son du grand piano, donnant une couleur plus rock, au son brut, à ses explorations mélodiques et rythmiques. Ses complices répondent par une accélération du tempo, faisant battre du pied et dodéliner de la tête, mais en se tenant toujours à distance des formules toutes-faites qu'embrassent bien souvent les power trios à l'instrumentation similaire qui lorgnent vers le succès pop. C'est sans doute là une des clés de l'intérêt de ce nouveau trio à qui l'on souhaite d'autres occasions de partager en concert sa musique originale et réjouissante.

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