Le résultat fut un peu mitigé. Un dernier tiers de l'œuvre fabuleux. Une alternance de passages très appréciables et de dérives bruyantes pas toujours totalement maîtrisées auparavant. La présence de trois "électroniciens" aux sonorités particulièrement violentes et intrusives dressait parfois comme un mur de bruit qui rendait difficilement audible le discours des autres musiciens, surtout dans les passages collectifs. Lors des solos, leur présence trouvait plus facilement une justification par des interventions plus parcimonieuses et plus à l'écoute du discours tenu par leurs partenaires. Je retiens ainsi de très belles interventions de Nels Cline et de Jenny Scheinman (cette dernière au cours d'un très beau trio de cordes avec Cline et Frith notamment). Paradoxalement, les saxophonistes, pourtant à l'origine du projet, n'ont pas souvent eu le beau rôle. Souvenir trop présent des envolées de la version originelle ? Présence de (trop) fortes personnalités à leurs côtés ? Ils furent quand même à la base de la montée en puissance collective du dernier tiers de la pièce. En se montrant tout à coup plus indicatifs sur qui devait jouer, ils ont réussi à mieux maîtriser le chaos sonore qui émanait de l'ensemble. La conduite plus dynamique du groupe qui en a résulté a permis d'apprécier enfin à sa juste valeur l'incroyable débauche d'énergie que dégagent à la fois l'œuvre et les musiciens présents vendredi.
Après leur version d'Ascension, les musiciens ont proposé une relecture plus paisible d'After the rain, délicate ballade coltranienne. Otomo Yoshihide, en jouant avec une bouteille et un verre d'eau, développait d'amusantes sonorités aquatiques qui se fondaient parfaitement dans la thématique du morceau. Avec un niveau sonore moins intense et mieux réparti entre les instruments, ce bonus au programme aura en fait été le meilleur moment du concert. Quand bruitisme, lyrisme et retenue se rencontrent, le casting réuni trouve enfin toute sa justification.
En première partie du concert, Camel Zekri, guitariste originaire du sud algérien, descendant des esclaves noirs, a déroulé en solo quelques unes de ses pièces où se mêlent souvenir du désert - entre blues sahélien et rythmes de transe gnawa - et délices de l'improvisation radicale. Un peu répétitif malgré tout, le solo ne permettant sans doute pas au discours de Zekri de se déployer dans toute son intensité rythmique.
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