lundi 8 août 2005

Proms 29 & 30 @ Royal Albert Hall, jeudi 4 & vendredi 5 août 2005

Voici quelques impressions et commentaires sur les deux soirées passées au Royal Albert Hall pour l'édition 2005 des Proms.

Jeudi 4 août, programme baroque avec l'Akademie für Alte Musik de Berlin qui interprétait des oeuvres de Telemann, Händel et Bach. Avant d'en venir à la musique elle-même, quelques mots sur la salle et l'ambiance. Le Royal Albert Hall est une belle salle aux dimensions assez impressionnantes, mais à l'acoustique imparfaite. Pour les Proms, l'arène centrale est laissée aux spectateurs debout (d'où le nom de Proms : Promenade Concerts). De fait, si certains sont debout, d'autres n'hésitent pas à s'allonger dans des positions assez improbables pour ce genre de concert. Placé assez près de l'orchestre, sur la droite de la scène, j'ai pu apprécier dans des conditions pas trop mauvaises le concert, même si on sentait bien que le son se perdait et se diluait un peu en route. Qu'est-ce que ça devait être pour les places les plus hautes !

Dans une salle aux deux tiers vides, l'Akademie für Alte Musik a toutefois proposé un excellent concert. Si la musique de Telemann ne m'a pas pleinement convaincu, les extraits du Rinaldo de Händel furent en revanche un petit bijou. Le concert a donc commencé par une interprétation de la suite en do majeur "Hamburger Ebb' und Flut" de Telemann qui cherche à retranscrire musicalement l'ambiance aquatique de Hambourg. J'aime beaucoup Hambourg (ma ville allemande préférée parmi celles que je connais... ce qui exclut, il est vrai, pour le moment Berlin et Dresde), mais la suite de Telemann représentait un peu pour moi l'aspect de la musique baroque que je n'aime pas trop, à savoir une musique décorative, essentiellement d'apparat, avec des codes par trop identifiables.

Changement d'ambiance avec les duos et arias de Händel tirés de deux de ses opéras : Rinaldo et Theodora. Là, pour le coup, on dépasse très largement les codes établis de la musique de l'époque pour toucher au sublime et à l'intemporel. On a tout d'abord eu droit à un duo extrait de Rinaldo (Scherzano sul tuo volto) avec la soprano Maria Cristian Kiehr et le contre-ténor Daniel Taylor, qui fut lui la véritable révélation de ce concert. L'aria suivant (Cara sposa, amante cara), toujours tiré de Rinaldo, chanté par le contre-ténor fut d'ailleurs le plus beau moment de la soirée, jouant parfaitement sur les silences et la délicatesse de la lamentation face à l'amour perdu. Ont suivi un aria chanté par Maria Christiana Kiehr (Ah, crudel, il pianto mio, toujours Rinaldo) et un duo extrait de Theodora (To thee, thou glorious son of worth). Magnifique.

Le concert s'est achevé avec la suite n°4 en ré majeur de Bach. Une belle interprétation, qui servait parfaitement la musique de Bach... et qui mettait aussi en avant tout ce qui sépare Bach de Telemann dans l'utilisation des bourrées, gavottes et autres menuets.

Le lendemain, changement d'époque, avec un programme romantique et post-romantique, autour de Tchaïkovski, Mahler et Sibelius. La salle était beaucoup plus pleine que la veille. Il faut dire que l'horaire était moins tardif (19h30 contre 22h) et surtout qu'il y avait la présence d'Anne Sofie von Otter dans les Rückert-Lieder de Mahler. Les stars déplacent toujours du monde.

Le concert a commencé avec près d'une heure de retard à cause d'un larsen insistant à l'origine visiblement difficilement identifiable (lié à la retransmission de la BBC sans doute). Assez désagréable, même s'il a donné l'occasion à un spectateur de faire preuve d'un humour tout britannique en déclarant que le concert était remplacé par une performance de Stockhausen !

Situé beaucoup plus loin de la scène que la veille (et pour cause, le prix des places avait connu une inflation certaine), j'avais un peu peur que l'acoustique de la salle me joue des tours. Et, si ce n'était pas aussi terrible que ce que j'imaginais, c'était un peu dérangeant sur les Lieder de Mahler, tout en fines nuances.

Les nuances, ce n'est pas ce qui caractérise le Francesa da Rimini de Tchaïkovski qui ouvrait le concert. Cette fantaisie symphonique d'après Dante est ultra-romantique et ultra-russe dans son traitement. L'orchestre (en l'occurence l'orchestre symphonique de Göteborg) pètait de partout, exacerbant au maximum les sentiments, et explorant le second cercle des Enfers avec véhémence. L'orchestre était dirigé par un tout jeune chef vénézuelien, Gustavo Dudamel (né en 1981 !), qui remplaçait Neeme Järvi, initialement prévu mais finalement indisponible. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il n'hésite pas à en rajouter dans l'interprétation violente de l'oeuvre de Tchaïkovski, qui n'est pourtant pas des plus calmes. Au final, cela donne une musique assez facile. Qu'on apprécie sans enthousiasme.

Les Rückert-Lieder mis en musique par Mahler, c'est autre chose. Pour le coup, on entend des murmures, de fines harmonies, une beauté toute en délicatesse, magnifiquement interprétés il faut dire par Anne Sofie von Otter et par un orchestre tout à coup plus à son aise. Le seul regret tient à l'acoustique et aux dimensions de la salle qui font un peu perdre de la magie de cette musique. 

Le concert s'est achevé par la symphonie n°5 de Sibelius, que je n'ai pas vraiment appréciée. La musique du compositeur finlandais se fait très attentiste dans cette oeuvre, j'ai trouvé. On attend inlassablement que quelque chose se produise, et pourtant rien ne vient jamais. Il faut dire qu'après les Lieder de Mahler, on devient vite exigeant, et que la sucession des oeuvres jouées ce soir-là n'aidait pas à apprécier la symphonie de Sibelius.

Mahler et Händel furent donc les deux grands moments de ces soirées passées dans le temple de cet étrange festival classique et populaire, qui connait peu d'équivalents dans le monde. Je ne suis pas sûr d'avoir ainsi percé à jour le mystère de la perfide Albion, mais c'est une expérience à tenter au moins une fois, c'est indéniable.

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