samedi 20 janvier 2024

Mary Halvorson Sextet @ Théâtre Victor Hugo, Bagneux, vendredi 19 janvier 2024

Concert évènement ! Evènement parce que tout passage de Mary Halvorson par la région parisienne en est un en soi. Mais c'était aussi le jour de la sortie de son nouveau disque, Cloudward (Nonesuch), et la première étape d'une tournée européenne pour célébrer cela. Et, d'un point de vue plus personnel, c'était le 25e concert avec Mary (en leader, co-leader ou sidewoman) auquel j'assistais ! Les 24 précédents tenaient tous dans une décénie (2010-2019), mais je n'avais plus eu l'occasion de la voir depuis plus de quatre ans et le concert de Code Girl à Lisbonne. C'est donc sans aucun doute l'une des musiciennes que j'ai le plus vue sur scène, et de manière certaine pour la décénie 2010s. Un nom qui me motive à lui seul, ou presque, à aller assister à des festivals à l'étranger quand elle y est multi-programmée : Saalfelden en 2010 (avec son Trio, avec Ingrid Laubrock's Anti-House, avec le Taylor Ho Bynum Sextet), Wels en 2017 (avec Tomas Fujiwara's Triple Double, en duo avec John Dieterich, avec Illegal Crowns), Berlin en 2018 (avec Thumbscrew, pour une soirée d'impro avec des musiciens berlinois, avec son Octet - non chroniqués) et à trois reprises Jazz em Agosto (en 2013 avec Anthony Braxton et avec son Quintet, en 2018 jouant du Masada et des Bagatelles de John Zorn, en 2019 avec Tomas Fujiwara's Triple Double et Code Girl donc). Si je l'ai parfois vue deux fois dans la même formation, ça n'a jamais été trois. Et le concert d'hier soir était la première occasion pour moi de découvrir sur scène son sextet dit Amaryllis du nom de leur premier album commun paru en 2022 chez Nonesuch. 25 fois, donc, mais avec toujours de nouvelles surprises !

Pour ce groupe, Mary Halvorson a rassemblé quelques fidèles et des nouvelles têtes. Du côté des fidèles, il y a bien entendu Tomas Fujiwara à la batterie, mais aussi les deux cuivres de l'ensemble : Jacob Garchick au trombone, qui avait déjà fait partie de son Septet et de son Octet, et Adam O'Farrill à la trompette, qui était lui de l'aventure Code Girl. Les deux "nouveaux" - même si leur présence ici n'a rien de surprenant tant ils naviguent dans les mêmes eaux musicales - ce sont Patricia Brennan au vibraphone et Nick Dunston à la basse. Et par leurs caractéristiques propres, ils ont une influence déterminante sur le son de l'orchestre. Nick Dunston parce que, avec Fujiwara, il forme une rythmique qui tient un drive déterminant pour faire avancer les morceaux (on a vraiment le sentiment d'une histoire propulsée par la section rythmique à maintes reprises). Ils me semblent d'ailleurs avoir été (volontairement ?) mis en avant dans le mixage de la soirée, n'étant en rien relégués à l'arrière plan comme une rythmique traditionnelle en tout cas. Dunston impulse par ailleurs le plus souvent les changements de direction d'un morceau à l'autre, par des solos puissants, où sa contrebasse vrombit avec enthousiasme. Patricia Brennan, quant à elle, entremêle bien souvent ses interventions avec celles de la leader, à tel point qu'on ne sait parfois plus bien qui de la guitare ou du vibraphone produit ces notes enveloppantes particulièrement moelleuses. 


S'il y a bien des solos des uns et des autres au cours du concert, ce qui frappe avant tout c'est le caractère très organique de la musique, où chaque ligne s'entrecroise, chaque voix prolonge le discours d'ensemble, et où finalement l'orchestre apparaît comme le prolongement naturel de la pensée musicale d'Halvorson. Pas de rupture, tout est fluide. Pas le sentiment d'une succession d'interventions indépendantes, mais bien une musique qui se déploie comme un tout, cohérent et marqué du sceau très reconnaissable de sa compositrice. La plupart des morceaux joués étaient extraits du tout nouveau disque, et m'étaient donc par conséquent inconnus. Au plaisir de retrouver des repères halvorsoniens s'ajoutait donc celui de la découverte d'un nouveau répertoire. Et celui-ci transmet, peut-être plus que jamais chez Mary, un sentiment de bonheur simple, d'enthousiasme et d'optimisme. Il n'y a plus qu'à faire tourner en boucle Cloudward sur la platine pour prolonger tout cela.

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Pour atteindre les 25, aux concerts cités ci-dessus, il convient d'ajouter 8 concerts parisiens (dans 8 salles et avec 8 formations différentes), un concert praguois (un Bagatelles Marathon zornien où elle intervenait deux fois... mais du coup, ça fait 26 ? :-) ) et un concert new-yorkais auprès d'Ingrid Laubrock (avec Ben Gernstein, Dan Peck et Tom Rainey) en 2011.

Evènement dans l'évènement, la soirée a aussi été l'occasion de rencontrer pour la première fois en chair et en os le plus braxtonien des jazzfans et chroniqueurs, l'incountournable Franpi.

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