Moniomania, le groupe du saxophoniste Christophe Monniot était hier soir sur la scène du Point Ephémère. Des musiciens présents sur le premier disque du groupe (Princesse fragile, Quoi de neuf docteur, 2002), il n'y en avait hier plus que deux : Christophe Monniot aus saxes (sopranino, alto et basse) et Emil Spanyi aux claviers. Mais le groupe était complété par François Verly à la batterie et aux tablas, Cécile Daroux à la flûte et surtout Marc Ducret à la guitare.
La présence de Ducret renforçait l'aspect jazz nerveux et électrique du groupe, donnant parfois des accents timberniens à l'ensemble. Christophe Monniot, égal à lui-même, mèle humour, influences les plus diverses (folklores, free, rock, reggae...), et transe fervente au sax. La complémentarité des univers des deux figures, signant à eux deux la totalité des morceaux joués hier, donnait une musique d'une grande énergie, mais ne s'épargnant pas des phases plus retenues. Voir Ducret en concert (c'était la deuxième fois en ce qui me concerne) apporte toujours une dimension supplémentaire par rapport au support discographique. Outre son look post-punk, il faut le voir jouer autant de son corps que de la guitare. Cela renforce incontestablement la fluidité et la beauté de sa musique, jusque dans ses heurtements et brisures mélodiques.
Les autres membres du groupe n'étaient toutefois pas en reste. Emil Spanyi, claviériste hongrois, est pour beaucoup dans le son d'ensemble du groupe avec ses grandes nappes électriques qui définissent l'atmosphère générale de la musique. Complice privilégié de Christophe Monniot, il cultive la même approche déjanto-humoristique d'un jazz ouvert aux autres influences. La flûtiste Cécile Daroux vient elle du classique et de la musique contemporaine. Son style tranchait d'ailleurs singulièrement avec l'habituel style jazz à la flûte. Enfin François Verly est un batteur élastique assez remarquable, y compris aux tablas, qui dynamisait efficacement le rythme de l'ensemble.
Le groupe a été rejoint pour le deuxième set par une chanteuse dont j'ai oublié le nom [edit : heureusement, une lectrice l'a retenu, elle. Il s'agissait donc de Cynthia Saint-Ville]. Son style s'apparentait aux voix que l'on peut entendre sur le dernier disque de Steve Coleman (Lucidarium, Label Bleu, 2004) ou sur Qui Parle ? (Sketch, 2003) de Marc Ducret : alternance de passages chantés et récités, d'onomatopées et de vocalises.
Au final, très bon concert, aux carrefours de nombreuses influences, avec ce "style Monniot" bien identifiable. Vraiment un musicien à suivre.
samedi 30 avril 2005
dimanche 17 avril 2005
Velha Guarda da Portela / Tom Zé @ Gymnase Maurice Baquet, Bagnolet, samedi 16 avril 2005
Soirée de clotûre de l'édition 2005 de Banlieues Bleues hier soir, une nouvelle fois à la mode brésilienne. La Velha Guarda da Portela et Tom Zé se succédaient sur la scène du gymnase Maurice Baquet de Bagnolet.
Pour la première partie, il y a eu quelques problèmes de sonorisation qui gâchaient un peu la fête. Tout d'abord l'acoustique de la salle (gymnase oblige) n'était en soi pas excellente, mais en plus les réglages son n'étaient pas au niveau. On n'entendait pas toujours très bien les chanteurs, leurs voix étant couvertes par les instruments. La musique proposée était pourtant bien, elle. La Velha Guarda da Portela est une école de samba traditionnelle de Rio qui existe depuis des décénies. On avait donc la possibilité d'entendre les racines de la MPB, avant de voir ce que Tom Zé en fait en en détournant les codes. Les musiciens cariocas avaient convié des jeunes de quelques collèges de Seine-Saint-Denis sur certains morceaux, témoins de la politique du festival en direction des jeunes du département. Une des grandes réussites de Banlieues Bleues, en plus de la programmation toujours au top.
Après cette première partie en demi teinte, les ingénieurs du son ont heureusement refait leurs réglages, ce qui a permis d'écouter Tom Zé dans des conditions un peu meilleures. Dès l'entrée en scène des musiciens, le ton était donné : délirant, mais de qualité. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Tom Zé, il faut imaginer une sorte de Boby Lapointe tropical qui fait de la musique avec tout ce qui lui passe sous la main : humour, mélange des genres, traditions et éléments futuristes, à la fois brésilien et mondial (rock, funk, électro). Le thème du spectacle était la condition de la femme au Brésil. Toutes les chansons en parlaient, et le jeu des musiciens y faisait écho. Seul petit problème : les paroles étaient en portugais, et donc il n'était pas possible (pour moi en tout cas) d'en saisir tout le sens. Tom Zé faisait parfois l'effort d'expliquer un peu dans un mélange assez comique de français, d'anglais, d'espagnol et de portugais. De quoi saisir l'essentiel, quand même. Musicalement, c'était aussi très bien. Dans la lignée du tropicalisme dont il fut l'un des acteurs majeurs dans les années 60-70 aux côtés de Caetano Veloso et Gilberto Gil : un grand mélange de rythmes brésiliens traditionnels et d'éléments de la pop culture mondiale. Malgré les problèmes du début, ce fut donc une excellente soirée, avec une performance tropicaféministe de Tom Zé qui donnait vraiment la pêche et remplissait de bonheur. Une belle conclusion pour ces quatre soirées passées dans les salles de Seine-Saint-Denis.
Pour la première partie, il y a eu quelques problèmes de sonorisation qui gâchaient un peu la fête. Tout d'abord l'acoustique de la salle (gymnase oblige) n'était en soi pas excellente, mais en plus les réglages son n'étaient pas au niveau. On n'entendait pas toujours très bien les chanteurs, leurs voix étant couvertes par les instruments. La musique proposée était pourtant bien, elle. La Velha Guarda da Portela est une école de samba traditionnelle de Rio qui existe depuis des décénies. On avait donc la possibilité d'entendre les racines de la MPB, avant de voir ce que Tom Zé en fait en en détournant les codes. Les musiciens cariocas avaient convié des jeunes de quelques collèges de Seine-Saint-Denis sur certains morceaux, témoins de la politique du festival en direction des jeunes du département. Une des grandes réussites de Banlieues Bleues, en plus de la programmation toujours au top.
Après cette première partie en demi teinte, les ingénieurs du son ont heureusement refait leurs réglages, ce qui a permis d'écouter Tom Zé dans des conditions un peu meilleures. Dès l'entrée en scène des musiciens, le ton était donné : délirant, mais de qualité. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Tom Zé, il faut imaginer une sorte de Boby Lapointe tropical qui fait de la musique avec tout ce qui lui passe sous la main : humour, mélange des genres, traditions et éléments futuristes, à la fois brésilien et mondial (rock, funk, électro). Le thème du spectacle était la condition de la femme au Brésil. Toutes les chansons en parlaient, et le jeu des musiciens y faisait écho. Seul petit problème : les paroles étaient en portugais, et donc il n'était pas possible (pour moi en tout cas) d'en saisir tout le sens. Tom Zé faisait parfois l'effort d'expliquer un peu dans un mélange assez comique de français, d'anglais, d'espagnol et de portugais. De quoi saisir l'essentiel, quand même. Musicalement, c'était aussi très bien. Dans la lignée du tropicalisme dont il fut l'un des acteurs majeurs dans les années 60-70 aux côtés de Caetano Veloso et Gilberto Gil : un grand mélange de rythmes brésiliens traditionnels et d'éléments de la pop culture mondiale. Malgré les problèmes du début, ce fut donc une excellente soirée, avec une performance tropicaféministe de Tom Zé qui donnait vraiment la pêche et remplissait de bonheur. Une belle conclusion pour ces quatre soirées passées dans les salles de Seine-Saint-Denis.
mercredi 13 avril 2005
Charles Gayle / Marc Ribot's Spiritual Unity @ Espace 1789, Saint-Ouen, mardi 12 avril 2005
Au milieu de l'avalanche de concerts brésiliens du moment, il fait parfois du bien de revenir aux fondamentaux jazz. Et quels fondamentaux quand ils ont pour nom Charles Gayle et Marc Ribot ! Les deux artistes présentaient tour à tour leurs groupes respectifs hier soir sur la scène de l'Espace 1789 de Saint-Ouen.
Le premier à jouer fut donc le saxophoniste Charles Gayle, accompagné pour l'occasion d'un trio "français" : Jean-Luc Cappozzo aux trompettes, Ramon Lopez à la batterie et Bernard Santacruz à la contrebasse. Charles Gayle est un musicien étonnant. Pendant longtemps il a joué seul dans les rues de New York, sans public si ce n'est celui des passants. Puis, en 1988, il a été "découvert" par un producteur qui l'a amené à côtoyer tout ce qui se fait de mieux en matière de free jazz dans la Grosse Pomme aujourd'hui : William Parker, John Tchicai, Sunny Murray, Rashied Ali... Le style de Charles Gayle au sax (alto) s'apparente à une sorte de rencontre d'Ornette Coleman (pour son amour des formes inattendues) et d'Albert Ayler (pour le côté émotif de son jeu). Charles Gayle puise également son inspiration de la musique d'église. Son jeu prend d'ailleurs parfois des allures de prière, de psaume, voire de preaching. Hier, Charles Gayle est également intervenu au piano, talent que je ne lui connaissais pas. Mais, là aussi, son style est remarquable, quelque part entre le déferlement free, les styles afro-américains fondamentaux (blues, musique d'église encore une fois) et les accords monkiens légèrement déviants. L'autre bonne surprise du concert fut la parfaite communion d'esprit avec les musiciens qui l'accompagnaient. Ramon Lopez, notamment, a été phénoménal dans ses solos de batterie. Et, si le contrebassiste était un peu en retrait par rapport aux autres, Jean-Luc Cappozzo a fait honneur à sa réputation. J'avais déjà pu le voir à la Cité de la Musique en 2003 accompagner Sophia Domancich, et il a confirmé hier tout le bien que j'avais déjà pu penser de lui, dans un style différent (plus free) qui plus est. La première partie fut donc véritablement remarquable. Le style de concert qui explique que je place mon amour du free jazz au-dessus de tous les autres styles.
La seconde partie ne fut pas mal non plus, et même tout aussi bien. Marc Ribot présentait son groupe Spiritual Unity dédié à la musique d'Albert Ayler. On restait donc dans les références free incontournables pour un superbe hommage. Il peut paraître assez vain de vouloir rendre hommage à un musicien free qui, par définition, vit dans l'instant. Il y a un risque évident à figer sa musique, qui perdrait ainsi tout son charme. Marc Ribot, aylerien de longue date, ne tombe heureusement pas dans ce travers, bien au contraire. Elément exemplaire de cette démarche, l'absence de saxophone dans ce groupe dédié à la mémoire du grand saxophoniste. Ribot a préféré s’entourer d'un trompettiste (Roy Campbell), d'un batteur (Chad Taylor) et d'un contrebassiste "historique" (Henry Grimes). Ce dernier a lui-même joué avec Ayler dans les années 60 (et avec quelques autres grandes figures du jazz moderne : Monk, Rollins, Don Cherry...) avant de disparaître de la circulation en 1968... et de réapparaître tout récemment, au début du XXIe siècle. Visiblement il n'a rien perdu de sa superbe. Ses solos dévastateurs, à l'archet comme en pizzicato, ont fait merveille hier. Mais celui qui était le plus mis en avant était Roy Campbell, magique à la trompette, au cornet ou au bugle. J'avais déjà pu l'apprécier l'année dernière dans le cadre de Sons d'hiver avec notamment Matthew Shipp et William Parker, et c'était encore mieux hier. Marc Ribot, quant à lui, a été tout compte fait assez discret, préférant laisser les trois autres s'exprimer pleinement, ponctuant de-ci de-là leurs interventions, mais ne prenant que peu de solos. Outre les musiciens, la grande vedette de la soirée fut la musique d'Albert Ayler elle-même. On retrouvait en effet tout le charme de ses mélodies parfois très simples mais chargées d'émotion et surtout propices à de très belles improvisations. Alliage du plus contemporain et du plus traditionnel (comme un retour aux marching bands néo-orléanais), le style d'Ayler était vraiment mis en valeur par le groupe.
Du free jazz qui rend heureux. Que demander de plus ?
Le premier à jouer fut donc le saxophoniste Charles Gayle, accompagné pour l'occasion d'un trio "français" : Jean-Luc Cappozzo aux trompettes, Ramon Lopez à la batterie et Bernard Santacruz à la contrebasse. Charles Gayle est un musicien étonnant. Pendant longtemps il a joué seul dans les rues de New York, sans public si ce n'est celui des passants. Puis, en 1988, il a été "découvert" par un producteur qui l'a amené à côtoyer tout ce qui se fait de mieux en matière de free jazz dans la Grosse Pomme aujourd'hui : William Parker, John Tchicai, Sunny Murray, Rashied Ali... Le style de Charles Gayle au sax (alto) s'apparente à une sorte de rencontre d'Ornette Coleman (pour son amour des formes inattendues) et d'Albert Ayler (pour le côté émotif de son jeu). Charles Gayle puise également son inspiration de la musique d'église. Son jeu prend d'ailleurs parfois des allures de prière, de psaume, voire de preaching. Hier, Charles Gayle est également intervenu au piano, talent que je ne lui connaissais pas. Mais, là aussi, son style est remarquable, quelque part entre le déferlement free, les styles afro-américains fondamentaux (blues, musique d'église encore une fois) et les accords monkiens légèrement déviants. L'autre bonne surprise du concert fut la parfaite communion d'esprit avec les musiciens qui l'accompagnaient. Ramon Lopez, notamment, a été phénoménal dans ses solos de batterie. Et, si le contrebassiste était un peu en retrait par rapport aux autres, Jean-Luc Cappozzo a fait honneur à sa réputation. J'avais déjà pu le voir à la Cité de la Musique en 2003 accompagner Sophia Domancich, et il a confirmé hier tout le bien que j'avais déjà pu penser de lui, dans un style différent (plus free) qui plus est. La première partie fut donc véritablement remarquable. Le style de concert qui explique que je place mon amour du free jazz au-dessus de tous les autres styles.
La seconde partie ne fut pas mal non plus, et même tout aussi bien. Marc Ribot présentait son groupe Spiritual Unity dédié à la musique d'Albert Ayler. On restait donc dans les références free incontournables pour un superbe hommage. Il peut paraître assez vain de vouloir rendre hommage à un musicien free qui, par définition, vit dans l'instant. Il y a un risque évident à figer sa musique, qui perdrait ainsi tout son charme. Marc Ribot, aylerien de longue date, ne tombe heureusement pas dans ce travers, bien au contraire. Elément exemplaire de cette démarche, l'absence de saxophone dans ce groupe dédié à la mémoire du grand saxophoniste. Ribot a préféré s’entourer d'un trompettiste (Roy Campbell), d'un batteur (Chad Taylor) et d'un contrebassiste "historique" (Henry Grimes). Ce dernier a lui-même joué avec Ayler dans les années 60 (et avec quelques autres grandes figures du jazz moderne : Monk, Rollins, Don Cherry...) avant de disparaître de la circulation en 1968... et de réapparaître tout récemment, au début du XXIe siècle. Visiblement il n'a rien perdu de sa superbe. Ses solos dévastateurs, à l'archet comme en pizzicato, ont fait merveille hier. Mais celui qui était le plus mis en avant était Roy Campbell, magique à la trompette, au cornet ou au bugle. J'avais déjà pu l'apprécier l'année dernière dans le cadre de Sons d'hiver avec notamment Matthew Shipp et William Parker, et c'était encore mieux hier. Marc Ribot, quant à lui, a été tout compte fait assez discret, préférant laisser les trois autres s'exprimer pleinement, ponctuant de-ci de-là leurs interventions, mais ne prenant que peu de solos. Outre les musiciens, la grande vedette de la soirée fut la musique d'Albert Ayler elle-même. On retrouvait en effet tout le charme de ses mélodies parfois très simples mais chargées d'émotion et surtout propices à de très belles improvisations. Alliage du plus contemporain et du plus traditionnel (comme un retour aux marching bands néo-orléanais), le style d'Ayler était vraiment mis en valeur par le groupe.
Du free jazz qui rend heureux. Que demander de plus ?
dimanche 10 avril 2005
Renata Rosa / Maciel Salu e O Terno do Terreiro @ L'Odéon, Le Tremblay-en-France, samedi 9 avril 2005
Superbe concert hier soir à l'Odéon du Tremblay-en-France. Ca vallait le coup de traverser la moitié de l'Ile-de-France pour cette soirée nordestine dans le cadre de Banlieues Bleues. Deux groupes étaient programmés : tout d'abord celui de Renata Rosa, suivi de celui de Maciel Salu, tous les deux originaires du Pernambouc.
Le premier disque de Renata Rosa est l'un de mes coups de coeur du moment. On y entend une lecture tradi-moderne des rythmes ruraux du Nordeste (maracatu, coco, cavalo marinho) qui tranche singulièrement avec les musiques brésiliennes plus connues sous nos cieux. La voir en concert renforce la dimension hypnotique de sa musique : avalanche de percussions, stridences du rabeca, ce petit violon rural aux mélodies entêtantes, et surtout voix cristalline et puissante de la belle. En effet, Renata Rosa c'est avant tout une voix, assez particulière, aigue, qui fixe l'attention et se fait facilement envoûtante. Les jeux vocaux entre la leader et les polyphonies de ses musiciens accentuent le caractère dansant de sa musique, se superposant à un riche tapis rythmique fait de tambourins et de percussions en tous genres. Le groupe de Renata Rosa est illuminé par la présence de Seu Luis Paixao au rabeca. Ce petit bonhomme est l'incarnation de la tradition musicale des champs de canne à sucre qui couvrent une bonne partie du territoire nordestin. Il a passé près de 50 ans à couper la canne, et à peu près autant à peaufiner son art musical. Il a été le professeur de Renata Rosa dans l'apprentissage du rabeca, et fait aujourd'hui partie intégrante de son groupe. La musique de Renata Rosa est un peu l'équivalent brésilien du blues nord-américain. L'un a grandi dans les champs de coton, l'autre dans ceux de canne à sucre. Le résultat est en tout cas splendide, et sa performance hier restera sans doute comme l'un des meilleurs concerts de l'année.
La seconde partie de la soirée était assurée par un autre groupe venu de Recife : Maciel Salu e O Terno do Terreiro. Mêmes traditions musicales que pour Renata Rosa, avec une démarche un tout petit peu plus modernisatrice, notamment due au guitariste-bassiste. La musique de Maciel Salu fait penser à celle d'un autre groupe phare de la tradi-modernité nordestine : Mestre Ambrosio. Pour le reste, l'instrumentation reste basée sur les percussions et le rabeca, joué par le leader, ainsi que par les riches effets vocaux polyphoniques du groupe. Franc succès auprès du public, qui dansait un peu dans tous les sens, mais dans un esprit très festif et communautaire (il y a même eu une ronde qui a entrainé une bonne partie de la salle sur un morceau). Les rappels ont donné l'occasion aux deux groupes de venir jouer ensemble, reprenant quelques chansons traditionnelles nordestines pour finir d'enflammer le public, complètement conquis par ces rythmes ruraux inédits sous nos tropiques. Une nouvelle très bonne surprise réservée par Banlieues Bleues.
Le premier disque de Renata Rosa est l'un de mes coups de coeur du moment. On y entend une lecture tradi-moderne des rythmes ruraux du Nordeste (maracatu, coco, cavalo marinho) qui tranche singulièrement avec les musiques brésiliennes plus connues sous nos cieux. La voir en concert renforce la dimension hypnotique de sa musique : avalanche de percussions, stridences du rabeca, ce petit violon rural aux mélodies entêtantes, et surtout voix cristalline et puissante de la belle. En effet, Renata Rosa c'est avant tout une voix, assez particulière, aigue, qui fixe l'attention et se fait facilement envoûtante. Les jeux vocaux entre la leader et les polyphonies de ses musiciens accentuent le caractère dansant de sa musique, se superposant à un riche tapis rythmique fait de tambourins et de percussions en tous genres. Le groupe de Renata Rosa est illuminé par la présence de Seu Luis Paixao au rabeca. Ce petit bonhomme est l'incarnation de la tradition musicale des champs de canne à sucre qui couvrent une bonne partie du territoire nordestin. Il a passé près de 50 ans à couper la canne, et à peu près autant à peaufiner son art musical. Il a été le professeur de Renata Rosa dans l'apprentissage du rabeca, et fait aujourd'hui partie intégrante de son groupe. La musique de Renata Rosa est un peu l'équivalent brésilien du blues nord-américain. L'un a grandi dans les champs de coton, l'autre dans ceux de canne à sucre. Le résultat est en tout cas splendide, et sa performance hier restera sans doute comme l'un des meilleurs concerts de l'année.
La seconde partie de la soirée était assurée par un autre groupe venu de Recife : Maciel Salu e O Terno do Terreiro. Mêmes traditions musicales que pour Renata Rosa, avec une démarche un tout petit peu plus modernisatrice, notamment due au guitariste-bassiste. La musique de Maciel Salu fait penser à celle d'un autre groupe phare de la tradi-modernité nordestine : Mestre Ambrosio. Pour le reste, l'instrumentation reste basée sur les percussions et le rabeca, joué par le leader, ainsi que par les riches effets vocaux polyphoniques du groupe. Franc succès auprès du public, qui dansait un peu dans tous les sens, mais dans un esprit très festif et communautaire (il y a même eu une ronde qui a entrainé une bonne partie de la salle sur un morceau). Les rappels ont donné l'occasion aux deux groupes de venir jouer ensemble, reprenant quelques chansons traditionnelles nordestines pour finir d'enflammer le public, complètement conquis par ces rythmes ruraux inédits sous nos tropiques. Une nouvelle très bonne surprise réservée par Banlieues Bleues.
lundi 4 avril 2005
Vinicius Cantuaria @ Salle Pablo Neruda, Bobigny, dimanche 3 avril 2005
Hier se tenait le premier des quatre concerts pour lesquels j'ai pris des places dans le cadre du festival Banlieues Bleues cette année. La salle Pablo Neruda de Bobigny accueillait le quintet du chanteur-guitariste brésilien vivant à New York, Vinicius Cantuaria.
J'avais déjà pu voir Cantuaria en tant que sideman de Bill Frisell au Parc Floral il y a deux ans. Le groupe de Frisell, The Intercontinentals, faisait la part belle aux guitares et instruments proches (oud, bouzouki...). Parmi ce bel orchestre, le brésilien se distinguait en chantant un peu sur certains morceaux, d'une voix douce très bossa-nova. Sa présence à Banlieues Bleues cette année était donc une bonne occasion d'aller écouter ce qu'il fait à la tête de son propre groupe.
La musique de Cantuaria se situe au croisement des traditions carioca, bahianaise et new-yorkaise. Une sorte de bossa-nova teintée de rythmes bahianais et de phrases jazz. C'est que, depuis dix ans qu'il vit à New York, Cantuaria est un proche de la Downtown Scene. Le fait de côtoyer des musiciens comme Marc Ribot l'a sans doute influencé, comme en témoigne son morceau intitulé Cubanos Postizos, clin d'oeil au groupe de Ribot.
Hier il était accompagné d'un très beau groupe, avec en tête le trompettiste Michael Leonhart, au phrasé aussi délicat que juste. Le percussionniste originaire de Bahia dont je n'ai pas retenu le nom était lui aussi essentiel à la musique du groupe, ponctuant sans démonstration aucune les phrases zébrées de Cantuaria à la guitare. Le groupe était complété par le batteur Paulo Braga et par le bassiste Paul Socolow. J'avais déjà pu voir ce dernier au Sunside il y a deux ans, alors qu'il accompagnait Uri Caine.
Le concert fut assez court, malgré les deux rappels, mais le plaisir était grand. Que ce soit par la beauté des mélodies ou par le rythme subtilement déhanché, très lusitanien, Cantuaria s'inscrit dans le meilleur de la tradition bossa-nova, un genre qui n'est pourtant plus très présent sur le devant de la scène brésilienne et qui a connu tellement d'adaptations "easy-listening" qu'il serait facile de tomber dans la facilité. Mais ici, rien de tel. Cantuaria est en effet un grand guitariste avant tout et sa façon de jouer des effets, avec beaucoup de subtilité, fait que son discours est constamment renouvellé, toujours surprenant. Un concert fort agréable en résumé.
J'avais déjà pu voir Cantuaria en tant que sideman de Bill Frisell au Parc Floral il y a deux ans. Le groupe de Frisell, The Intercontinentals, faisait la part belle aux guitares et instruments proches (oud, bouzouki...). Parmi ce bel orchestre, le brésilien se distinguait en chantant un peu sur certains morceaux, d'une voix douce très bossa-nova. Sa présence à Banlieues Bleues cette année était donc une bonne occasion d'aller écouter ce qu'il fait à la tête de son propre groupe.
La musique de Cantuaria se situe au croisement des traditions carioca, bahianaise et new-yorkaise. Une sorte de bossa-nova teintée de rythmes bahianais et de phrases jazz. C'est que, depuis dix ans qu'il vit à New York, Cantuaria est un proche de la Downtown Scene. Le fait de côtoyer des musiciens comme Marc Ribot l'a sans doute influencé, comme en témoigne son morceau intitulé Cubanos Postizos, clin d'oeil au groupe de Ribot.
Hier il était accompagné d'un très beau groupe, avec en tête le trompettiste Michael Leonhart, au phrasé aussi délicat que juste. Le percussionniste originaire de Bahia dont je n'ai pas retenu le nom était lui aussi essentiel à la musique du groupe, ponctuant sans démonstration aucune les phrases zébrées de Cantuaria à la guitare. Le groupe était complété par le batteur Paulo Braga et par le bassiste Paul Socolow. J'avais déjà pu voir ce dernier au Sunside il y a deux ans, alors qu'il accompagnait Uri Caine.
Le concert fut assez court, malgré les deux rappels, mais le plaisir était grand. Que ce soit par la beauté des mélodies ou par le rythme subtilement déhanché, très lusitanien, Cantuaria s'inscrit dans le meilleur de la tradition bossa-nova, un genre qui n'est pourtant plus très présent sur le devant de la scène brésilienne et qui a connu tellement d'adaptations "easy-listening" qu'il serait facile de tomber dans la facilité. Mais ici, rien de tel. Cantuaria est en effet un grand guitariste avant tout et sa façon de jouer des effets, avec beaucoup de subtilité, fait que son discours est constamment renouvellé, toujours surprenant. Un concert fort agréable en résumé.