Sylvie Courvoisier & Mark Feldman, Kunsthaus Nexus, 12h30
Plaisir renouvelé. Le duo que forment Sylvie Courvoisier (piano) et Mark Feldman (violon) est vraiment l'une des plus belles expériences musicales à laquelle on puisse assister à l'heure actuelle. Leur musique est inventive, poétique et, au fil des écoutes, toujours surprenante. Au plaisir auditif, s'ajoute un plaisir visuel car avec eux on peut vraiment entendre et voir l'écoute mutuelle qu'ils s'accordent l'un à l'autre. Les regards appuyés, les attentes attentives lorsque l'autre joue, les signes de tête pour changer de direction, tout cela prend totalement sens dans le cadre intime du Nexus, et résonne pleinement avec la musique. Malgré la complexité apparente des structures, la construction des morceaux conserve une grande clarté. Le duo ne joue en effet que ce qui est nécessaire. Il n'y a pas d'esbroufe inutile ni de développement sans fin, mais juste un sens aigu de la note - ou du silence - indispensable pour que le morceau révèle toute sa poésie. Ce terme n'est pas ici galvaudé. Car comment, autrement, faire sonner de manière à la fois aussi ludique et lisible une musique qui ne se prive pourtant pas de développements accidentés. Il y a vraiment, dans ce rapport de la musique aux sons, quelque chose d'approchant le rapport de la poésie aux mots. Le set a permis d'apprécier deux compositions de Sylvie pour commencer, Dunes et la bien nommée Messianesque. Le duo a ensuite enchaîné par trois morceaux extraits du songbook de Masada, dont l'un contenant une citation de Mozart... clin d'œil amusé dans ce contexte salzbourgeois. Le set s'est achevé sur une composition de Mark Feldman, Purveyors, et une nouvelle de Sylvie, To Speedy. L'écriture du violoniste fait la part belle au lyrisme délicat de son instrument nourri de klezmer et de folk, quand celle de la pianiste s'organise autour d'un jeu avec les bruits et le silence élaboré au contact de la musique contemporaine. Sur le dernier morceau, sa main gauche installe ainsi un rythme répétitif qui semble tourner en boucle même dans les nombreuses interruptions et changements de direction. Comme si les notes suggérées étaient aussi présentes que celles réellement jouées. Le rappel, sur un autre morceau de Masada, permit une nouvelle citation de Mozart, pour ne pas oublier le ludisme de la vraie poésie.
Fire!, Kunsthaus Nexus, 14h00
Sous cet intitulé martial se cache un trio suédois emmené par Mats Gustafsson, déjà vu la veille avec The Thing XXL. Accompagné par Johan Berthling à la basse et Andreas Werliin à la batterie, Gustafsson surprend en commençant... tout doucement. La montée en puissance (quand même !) est lente et progressive. Le son du sax est d'abord étouffé avant de gagner peu à peu en ampleur. Le rythme s'installe lui aussi très progressivement, dans une lente dérive vers des sonorités techno-rock. Le jeu du trio est basé sur la répétition, avec des boucles rythmiques sans variation, qui ont un indéniable effet hypnotique. Là dessus, Gustafsson construit ses interventions au cours des deux longues suites qui composent le concert de manière similaire : d'abord une mise en place lente, puis un passage aux claviers et machines pour quelques bidouillages électro, avant une montée paroxystique au sax pour conclure. A chaque fois, le troisième "mouvement" est le meilleur. Celui où Gustafsson parle la langue qu'il maîtrise le mieux : la fureur.
Terje Rypdal & Bergen Big Band, Congress, 15h30
On reste en terres scandinaves avec le concert suivant, mais dans le versant qui me plait le moins en jazz. Le son du groupe assemblé pour l'occasion est en effet, dans une esthétique à la ECM, extrêmement réverbéré et les solos des deux "stars" de l'affiche, Terje Rypdal à la guitare et Palle Mikkelborg au bugle, semblent ancrés dans le jazz-rock à bout de souffle des 80s. Le guitariste est particulièrement abrutissant à mon sens. La rythmique est de plus très présente (basse et orgue vintage), et pas très inventive, avec une sous-utilisation des possibles combinaisons sonores entre les vents du Bergen Big Band qui finit de décevoir. Sans doute la seule faute de goût de la programmation.
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