Myra Melford's Be Bread, Congress, 20h30
Le sextet réuni par Myra Melford se nourrit d'ingrédients très divers, a priori difficiles à tenir ensemble, tant entre chaque morceau qu'au sein même des morceaux. L'instrumentation, d'abord, avec une guitare soprano entre les mains de Brandon Ross face à la basse électrique de Stomu Takeishi. La trompette tranchante et expressive de Cuong Vu face à la clarinette en clair-obscur de Ben Goldberg. Le piano et l'harmonium peu mis en avant de la leader face à la batterie de Matt Wilson enfin. De la même manière, les influences musicales recouvrent un champ extrêmement large, entre jazz, blues, rock, musique indienne, d'Europe de l'Est, folk... Rien de clairement identifiable néanmoins. Ce sont des parfums suggérés, de subtiles touches sur une toile plus vaste, des inflections dans la langue commune. Malgré sa diversité apparente, l'ensemble prend rapidement forme grâce à la qualité d'écriture de Myra Melford et au talent des solistes. La musique est délicatement voyageuse, avec la mélodie mise en avant, mais pimentée par un jeu sur les tensions avec l'intensité du son de chacun subtilement dosée en fonction des couleurs changeantes. L'inventivité rythmique déployée par Matt Wilson permet de donner naissance à une réelle dramaturgie dans le déploiement des morceaux. Les complémentarités expressives des différents musiciens sont parfaitement utilisées, avec notamment une guitare délicate, retenue, et une trompette incisive, explosive. Le concert fut, à juste titre, l'un des plus applaudis du festival. En rappel, Myra Melford évoque ses racines chicagoanes en solo à travers un blues très... melfordien.
Dominique Pifarély & l'Ensemble Dédales, Congress, 22h30
Sans faire preuve de patriotisme outrancier, il est intéressant de voir quelle "musique française" (si cela a un sens) est proposée hors de nos frontières. Le choix du festival, au-delà de toute volonté représentative, a été judicieux... car la musique proposée par l'Ensemble Dédales est magnifique. Le groupe rassemble quelques figures bien connues de la musique aventureuse : Dominique Pifarély au violon, Guillaume Roy à l'alto, Hélène Labarrière à la contrebasse, François Corneloup au sax baryton, Eric Groleau à la batterie ; mais aussi quelques noms qui me sont moins familiers : Vincent Boisseau à la clarinette, Pascal Gachet à la trompette, Christiane Bopp au trombone et Julien Pandovani au piano. Pour caractériser la musique, on pourrait évoquer un lieu : elle a en effet toutes les qualités d'une musique "made in Atelier du Plateau". Elle ménage des montées en tension lyriques à l'aide de solos basés sur la puissance du son couplés à des combinaisons (duos/trios) bruitistes. Les tuttis paraissent plus écrits, jouant sur l'alliage des sonorités instrumentales, entre cordes et vents. Les attaques sont souvent déstructurées, avant que n'émerge peu à peu le groove. La multiplicité des approches et des combinaisons instrumentales donne beaucoup de relief à la musique. Si le rapport à une certaine abstraction et à la littérature transparait dans les titres des morceaux annoncés par Dominique Pifarély, cette musique de chambre moderne joue avec les pulsations propres au jazz, et ne refuse pas le plaisir du débordement et de l'expressivité. Là aussi, franc succès auprès du public. A tel point que lorsque je cherche à acheter le disque auprès de la petite boutique du festival... il n'y en a déjà plus.
The Thing XXL, Congress, 00h00
Déjà à trois, The Thing fait beaucoup de bruit, alors à sept, il est presque attendu que The Thing XXL entame le concert de manière apocalyptique. Le mur du son dressé d'entrée semble s'effondrer progressivement avec fracas. Peu à peu le rythme se structure, puis la mélodie d'une chanson traditionnelle hongroise depuis vingt ans au répertoire de The Ex, Hidegen fujnak a szelek, émerge du sax baryton de Mats Gustafsson. C'est pour cela qu'on aime The Thing. Comme Zu la veille, ils savent être extrêmement brutaux, mais ils n'oublient pas de respirer, en s'abreuvant constamment d'un matériau de base chantant (mélodies de Don Cherry, chansons traditionnelles, succès pop-rock). La cellule de base scandinave (Gustafsson, Haker Flaten, Nilssen-Love) est donc augmentée pour l'occasion par le trombone de Mats Äleklint, la trompette de Peter Evans, la guitare de Terrie Ex et les claviers et machines de Jim Baker. La place de ce dernier me pose problème. Il est de toute évidence là pour perturber le bon déroulé du reste du groupe - il est d'ailleurs en retrait sur le côté droit de la scène alors que les six autres formes un arc de cercle par lequel ils peuvent échanger regards et indications - mais justement ses interventions ne trouvent pas d'interaction avec le reste du groupe. Il semble isolé de la fabrique de la musique et ses interventions aux machines s'apparentent plus à un bidouillage mal venu qu'à l'ajout d'une dimension supplémentaire à la musique. Dommage, car le reste est très cohérent, avec un jeu sur les tensions, entre murmures, bruits, déflagrations et tuttis ravageurs qui fait plaisir à entendre.
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A voir ailleurs : videos des concerts sur le site roumain MuzicaDeVest.
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