jeudi 19 janvier 2006

Jean-Paul Bourelly / François Tusques @ La Grange Galliéni, Cachan, mercredi 18 janvier 2006

Le festival Sons d'hiver se poursuivait pour moi hier soir à la Grange Galliéni de Cachan. En première partie, Jean-Paul Bourelly se produisait seul sur scène. Ce guitariste chicagoan d'origine haïtienne est plutôt un habitué des ambiances électriques au son puissant. Pourtant, hier soir, c'est dans le cadre dépouillé du solo de guitare acoustique qu'il se présentait. Proche de la galaxie M-Base dans les années 80, il nourrit depuis une vingtaine d'années son blues au contact du jazz contemporain, du rock post-hendrixien et des musiques africaines et caraïbes. On retrouvait un peu de ces diverses influences dans le concert d'hier, même si la tonalité d'ensemble restait blues. La musique oscillait entre douces ballades mélodiques et chansons sur lesquelles il donnait de la voix (grave, un brin éraillée), s'accompagnant par moments d'un chapelet de percussions et de clochettes qu'il avait autour de la cuisse, ou frappant sa guitare en guise de percussion d'une main en continuant de jouer avec les cordes de l'autre. Ce projet solitaire fait suite à la mort de sa femme survenue il y a deux ans. Loin de la débauche d'énergie habituelle de ses performances scéniques comme discographiques, Bourelly a voulu cette fois-ci explorer la part d'intime et de mélancolie qu'il avait en lui. Le résultat est très prenant ; envoûtant comme un sortilège vaudou.

La deuxième partie proposait un trio inédit du pianiste François Tusques, figure secrète mais néanmoins essentielle du jazz hexagonal. En plus de Noel McGhie, son fidèle partenaire à la batterie, Tusques était accompagné par un jeune contrebassiste originaire de Minneapolis, Adam Linz. Le trio nous a entraîné dans une plongée à travers un siècle d'histoire du jazz, des origines blues et New Orleans aux terres free (Tusques est un pionnier du genre en France), en passant par le swing ellingtonien. Avec un jeu très libre dans la forme, mais où résonnent sans cesse les accords essentiels du blues, Tusques a une très large palette d'expression. Il est ainsi autant à l'aise dans l'exploration du standard - hélas de circonstance - Do you know what it means to miss New Orleans, que dans des morceaux plus proches de l'approche d'un Cecil Taylor. Le concert a commencé par une évocation de John Coltrane et Eric Dolphy, avant de se poursuivre par un portrait de Duke Ellington en deux parties. D'entrée de jeu, les grandes figures de l'histoire du jazz étaient mises à l'honneur. Mais, ensuite, dans un joyeux contrepied, c'est une composition d'Adam Linz qui prenait le relais. Celui-ci est assez bluffant d'ailleurs dans ses solos à la fois très chantants et terriblement puissants, grondants même à certaines occasions, comme sur un morceau de Tusques en hommage à Erica Huggins, une membre des Black Panthers dont le mari a été assassiné par la police. Au final, c'était un concert extrêmement énergisant, où l'aspect ludique côtoyait l'engagement. Une bonne définition du jazz.

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