vendredi 3 décembre 2004

Omar Sosa @ New Morning, jeudi 2 décembre 2004

Le pianiste cubain Omar Sosa était en concert hier soir en compagnie de son nouveau groupe au New Morning. C'est déjà la quatrième fois que je vois Sosa sur scène depuis 1999, mais pas mal de changements sont intervenus depuis la dernière fois. Son dernier disque en date, Mulatos, en donnait déjà un aperçu : rythme ralenti, attachement plus grand à la mélodie, sens de l'espace et de la respiration mieux maîtrisé... On est désormais assez loin du millefeuille baroque d'origine, accumulation de rythmes et de strates, piano très percussif, esthétique de l'excès... Le changement a un nom : Steve Argüelles, batteur et producteur anglais, maître ès traitements électroniques, un des éléments de la nébuleuse du Hask, partenaire du pianiste Benoît Delbecq dans Ambitronix, l'un des groupes les plus intéressants - car loin des clichés du genre - dans la sphère électro-jazz.

Hier soir, donc, Steve Argüelles tenait la batterie et le sampler. On retrouvait également le saxophoniste Luis Depestre, le bassiste Childo Tomas, le percussionniste Miguel Anga Diaz et le joueur de oud Dhafer Youssef. Malgré la présence d'un Anglais et d'un Tunisien dans le groupe, la musique de Sosa reste très cubaine, mais les deux musiciens en question apportent une ouverture vers plus de légèreté et de subtilité qui a fait quelques merveilles hier, notamment à l'occasion du premier set. Ce fut en effet le plus réussi, délicieusement expérimental, alternant avec bonheur phrases toute en retenue et improvisations collectives tirant vers le free. Luis Depestre au sax alto a été une belle révélation, et les incantations vocales de Dhafer Youssef, poussant l'art du muezzin à son extrême limite, s'incorporaient parfaitement dans le son de l'ensemble. Le rôle de Steve Argüelles dans ce premier set fut sans doute déterminant.

Le deuxième set fut malheureusement beaucoup moins passionnant, se perdant dans un latin jazz beaucoup trop attendu - et entendu. Autant Luis Depestre avait été excellent à l'alto au premier set, autant sa prestation au ténor dans le deuxième set manquait singulièrement de consistance pour arracher la moindre émotion. Sosa lui-même oubliait l'émotion de son phrasé si mélodique pour ne plus être qu'un coloriste percussif. Mais le public semblait suivre, alors...

Heureusement, les deux rappels furent de toute beauté. Tout d'abord, un morceau au long développement mélodique, s'autorisant des expérimentations sonores dignes de celles du premier set - le saxophoniste étant d'ailleurs revenu à l'alto - puis un simple duo piano-percussions entre Sosa et Anga Diaz, qui permirent au concert de s'achever sur une note positive.

Reste à souhaiter que la nouvelle direction empruntée par Sosa soit fertile, car elle permet vraiment de révéler un grand pianiste, ouvert sur le monde par sa grande sensibilité esthétique. Jusqu'à présent ses meilleurs prestations étaient celles en solo ou en duo avec un percussionniste. Avec Steve Argüelles, il a trouvé un producteur qui lui permet de tirer un véritable profit d'un son de groupe.

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