Hier soir au New Morning, David Murray, saxophoniste phare de la deuxième génération du free, a donné un concert de feu en compagnie de ses gwo-ka masters.
Depuis quelques années maintenant, le new-yorkais a quitté les Etats-Unis et la scène strictement jazz pour explorer les autres musiques noires, d'Afrique ou des Caraïbes. C'est à la Guadeloupe qu'il a trouvé ses nouvelles marques, au contact de la tradition ancéstrale du gwo-ka. Cette musique percussive tire son nom de la combinaison des termes créoles gwo (la voix) et ka (le tambour). Il ne s'agit pas simplement là d'une coloration "exotique" pour jazzman en mal d'inspiration, mais bien d'une plongée en profondeur dans une autre tradition africaine-américaine. David Murray est en effet allé étudier cette musique pendant plusieurs mois au contact des maîtres du genre, oubliant son caractère de star du jazz. Trois disques et des centaines de concerts plus tard, le résultat est passionnant. La tradition des tambours et les envolées free du sax se mèlent pour donner une musique aux accents ultra-funky. Le concert d'hier soir en a été une formidable démonstration.
Le groupe était composé pour l'occasion d'un quartet "américain" (Murray au sax ténor et à la clarinette basse, Rasul Siddik à la trompette, Jaribu Sahid à la basse et Pheeroan Aklaff à la batterie), d'un guitariste sénégalais maître ès funk, Hervé Sambé, et de deux tambourinaires guadeloupéens, François Ladrezeau et l'immense Klod Kiavué. Déjà, durant le premier set, le groupe s'en est donné à coeur joie, aussi bien dans ses énergiques improvisations collectives que dans des solos d'enfer des uns et des autres. Mais l'excitation du public est montée d'un cran quand, au cours du deuxième set, une silhouette chapeautée s'est approchée de la scène avec un sax ténor sous le bras : oui, c'était bien lui, l'immense Archie Shepp, venu improviser pour l'occasion, tout d'abord accompagné des deux percussionnistes guadeloupéens, puis dans un duel de saxes avec Murray qui rappelait les plus belles heures du free US des années 60 : les fantômes de Coltrane et Ayler planaient sur le New Morning. La transe collective du public n'est pas retombée par la suite, quand Guy Konket, l'un des plus grands chanteurs de gwo-ka a rejoint les musiciens en lieu et place de Shepp. Ses intonations bluesy-créoles ont fini d'enflammer un concert pourtant déjà brûlant.
A écouter :
David Murray : Creole Project, Enja, 1998
David Murray & The Gwo-Ka Masters featuring Guy Konket & Klod Kiavué : Yonn-Dé, Justin Time, 2002
David Murray & The Gwo-Ka Masters featuring Pharoah Sanders : Gwotet, Justin Time, 2004
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