Premier des trois concerts auxquels j'ai prévu d'assister dans le cadre du festival Banlieues Bleues cette année. J'avais déjà eu l'occasion de voir l'étrange association dissimulée derrière le non moins énigmatique nom d'Afterlife Music Radio l'année dernière en ce même lieu. Cette première expérience m'avait quelque peu frustré, avec l'impression d'être resté en dehors du concept proposé. Frustration accrue par la présence de musiciens qui me sont pourtant particulièrement chers, à commencer par Myra Melford au piano et Ben Goldberg à la clarinette.
Afterlife Music Radio est en effet l'association de trois musiciens américains au carrefour du jazz et d'horizons ouverts sur le vaste monde (Shahzad Ismaily complète le casting à la guitare et à la batterie) et du manipulateur sonore français Mathias Delplanque. Celui-ci, derrière son laptop, triture le son de ses acolytes, propose des accidents percussifs ou réinjecte sans prévenir des phrases captées quelques secondes ou minutes auparavant. Devant lui, les trois Américains jouent leur musique - on reconnaît des inflexions très personnelles chez Melford et Goldberg. Et c'est peut-être là le problème. Tout au long du concert, on n'arrive pas à se départir de cette impression de collage, de juxtaposition d'éléments qui ont leur intérêt pris isolément, mais qui ne forment pas un tout, ou a minima un dialogue articulé. Les ambiances traversées sont diverses, de délicats échanges piano-clarinette en clair-obscur à des dérives quasiment electro-rock, avec à la fin le sentiment d'être face à un patchwork trop bariolé. Alors que le trio seul m'aurait sans doute pleinement convaincu, alors qu'un dialogue électronique vs instrumentistes centré sur un discours principal aurait pu avoir son intérêt, on reste une nouvelle fois frustré par ce non-choix quant à la direction à suivre. Si la première fois, on mettait ça sur le compte de la jeunesse du projet, cette fois-ci on reste plus dubitatif sur son sens profond.
La deuxième partie résonne en revanche de choix clairement assumés. Tony Malaby souffle en continu tout au long du concert. Le ténor américain flotte littéralement au dessus de la richesse rythmique que lui proposent ses trois complices, soit l'assise régulière de Drew Gress à la contrebasse, le foisonnement polyrythmique de Tom Rainey à la batterie, et les couleurs changeantes et chantantes de John Hollenbeck aux percussions. Car ce quartet est bien plus qu'un "quartet à deux batteries" tant Hollenbeck ne frappe qu'occasionnellement ses toms, préférant circuler librement, virevolter, entre xylophone, marimba, vibraphone et mélodica. Assis du côté d'Hollenbeck, mon écoute était naturellement conduite par ma vue, et il m'a semblé que c'était lui qui était au centre du discours musical, qui en apportait les inflexions et les accentuations, libérant du même coup Malaby, qui pouvait se concentrer sur la puissance continuelle du souffle. Le souffle comme geste primordial. Avant le son, avant la note, bien avant la mélodie. A la fois dense et ponctuée de surprises percussives, la musique du trio rythmique n'est alors là que pour servir d'écrin au souffle d'un des vrais géants du saxophone contemporain. Un choix assumé, et par là même convaincant.
A lire ailleurs : Robert Latxague.
Dans les archives : deux concerts de Tony Malaby en trio en 2006, avec Angelica Sanchez et Tom Rainey à l'ancien Duc des Lombards, et avec Marc Ducret et Daniel Humair au Sunside.
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