jeudi 21 février 2008

Ernst Toller - Hop là, nous vivons ! @ Théâtre des Abbesses, mercredi 20 février 2008

Karl Thomas et ses camarades se retrouvent dans une cellule, attendant leur exécution, en raison de leur participation à des barricades spartakistes. Alors qu'ils échafaudent un plan pour tenter une évasion, on vient leur annoncer la grâce décidée par le président. Tandis que ses camarades quittent la prison, Karl Thomas connaît une crise de démence qui le conduit pendant huit ans en asile d'aliénés. A sa sortie, il cherche à revoir ses anciens camarades, pour s'apercevoir peu à peu que ses huit années coupées du monde ressemblent plus à un siècle entier dans cette République de Weimar où l'histoire semble s'être accélérée. Ernst Toller s'est inspiré de sa propre histoire, lui qui, suite à sa participation à l'éphémère République des Conseils de Bavière en 1919, fut condamné à mort, avant de voir sa peine commuée en cinq ans de prison.

Certains verront sans doute dans le propos de la pièce un éloge de la pureté révolutionnaire face à la corruption et aux compromissions des hommes normaux. Pourtant, Karl Thomas se retrouve peu à peu poussé vers l'action terroriste, et le geste qu'il s'apprête à commettre rencontre le geste effectif d'un militant nazi. Parallélisme des gestes qui laisse entrevoir une complexité peut-être plus grande qu'il n'y paraît chez Toller. De même, ses anciens camarades, devenus ministre social-démocrate, leader syndical cherchant plus l'amélioration concrète du sort des ouvrières d'une usine que le grand soir, ou militant communiste attendant les ordres du parti, développent au détour d'une phrase les preuves d'une maturité politique qui semble faire défaut à Karl Thomas. L'épaisseur de l'humain se retrouve dans ces ambivalences politiques dont sont affublées tous les ex-camarades.

Si le propos de la pièce est sans doute trop explicitement politique à mon goût, la mise en scène de Christophe Perton aux Abbesses est en revanche une vraie réussite. La scénographie, due à Malgorzata Szczesniak habituelle collaboratrice de Krzysztof Warlikowski, y est pour beaucoup. Quelques meubles pour figurer le grand nombre de lieux dans lesquels l'action se déroule, une scène en profondeur, des jeux de couleurs et de projection vidéo inventifs, présents sans être envahissants, des entrées et sorties de tous côtés, une utilisation du noir et du blafard judicieuse, on retrouve un univers effectivement assez proche de celui de Warlikowski. La musique tient également un rôle non négligeable (la pièce tire d'ailleurs son nom d'un morceau de jazz des années 20). Et là, bonne surprise, les extraits qui ponctuent le déroulement de l'action sont tout simplement signés John Zorn (Masada et, sans doute, des Filmworks). L'habillage de la pièce, et l'ambiance qu'il crée, rehausse ainsi très nettement le propos, diluant un discours trop facilement idéaliste dans un va-et-vient de correspondances intelligentes entre l'Allemagne de Weimar et des références culturelles (et, heureusement, pas politiques) actuelles.

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