Trois hommes en colère. Sébastien Texier au sax alto et aux clarinette Bb et basse, Claude Tchamitchian à la contrebasse et Sean Carpio à la batterie. Une musique qui jaillit, lyrique, sauvage, enlevée. Un chant free qui emmène tout sur son passage.
Il y a d'abord Sean Carpio, batteur irlandais que je découvrais pour l'occasion, qui frappe avec enthousiasme, entre rythmiques carrées puissantes et chaloupements d'inspiration africaine. Quand il se lance dans des solos, l'espace de la Fontaine semble trop exigu pour contenir l'ensemble de son discours. Mais il fait tout cela avec une joie non feinte qui empêche la puissance de se transformer en assommoir. Il y a ensuite Sébastien Texier, émancipé de "ses" pères (Henri, bien entendu, mais aussi Louis Sclavis), c'est à dire qu'il prolonge leur discours tout en le dépassant et le déplaçant. S'il a conservé la colère en chantant de son père, ses morceaux semblent laisser plus de place à l'incontrôlé, au jaillissement spontané hors trame préétablie. Et si son discours sur les instruments emprunte aux voix tracées par Sclavis, il se situe peut-être dans une démarche plus explicitement ancrée dans la tradition jazz que son aîné, pas totalement étrangère à une certaine esthétique Mingus/Dolphy. Il y a enfin Claude Tchamitchian, contrebassiste majuscule, qui transporte à chacune de ses interventions. La profondeur de son chant et l'ampleur de son expression n'ont que peu d'équivalents dans le monde du jazz. En pizzicato ou à l'archet, il emmène le groupe dans un ailleurs où tout semble plus grand, plus libre, meilleur. Musique utopique ? Il y a de cela, sans doute. Mais alors avec un solide ancrage terrestre. Plutôt une musique-passage entre deux mondes, avec trois formidables guides.
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