4.48 Psychose est la cinquième et dernière pièce - posthume - de Sarah Kane, montée pour la première fois à Londres en 2000, soit un an après le suicide de la dramaturge. Une interprétation par Nouche Jouglet-Marcus et Barnabé Perrotey, mise en scène par Bruno Boussagol, était donnée hier soir au Lavoir Moderne Parisien (c'était la dernière). Un texte difficile et une mise en scène assumant son parti pris radical n'aidaient pas à passer un bon moment. Non pas qu'il faille prendre cela comme un reproche (on ne va pas voir une telle pièce pour "passer un bon moment"), mais plutôt comme l'expression d'une certaine réussite dans le rendu de l'aspect dérangeant de la pièce.
Pour commencer, les spectateurs étaient invités en arrivant, avant d'entrer dans la salle, à revêtir une blouse blanche afin de se fondre dans l'ambiance hospitalière de la pièce. Disposés en carré autour de la scène, on avait ainsi l'impression d'être réunis dans un bloc opératoire, voire dans une morgue. Nouche était en effet allongée, nue, avec un simple drap au niveau des hanches, sur une table qui ressemblait en tout à celles que l'on peut voir lors d'autopsies dans les films (je n'ai, heureusement, jamais eu à en voir en vrai). Barnabé Perrotey, qui jouait le médecin, était assis dans le public, lui aussi revêtu d'une blouse blanche, ne se levant qu'à de rares occasions. La salle était plongée dans la quasi obscurité, avec juste une lumière blanche crue sur le corps de Nouche et sur le médecin.
Dans le texte de Sarah Kane, il y a à la fois deux et quatre personnages : A, B, C et M. Si M est le médecin, A, B et C sont les trois personnalités d'une même personne. Dans la mise en scène de Bruno Boussagol, l'option a été faite de faire jouer à Nouche les trois personnalités A, B et C. Ce qui n'aide pas à la compréhension de la pièce, mais renforce par là même la folie du personnage. Ce qu'on perd en "ping-pong verbal" entre A, B et C, on le gagne en revanche dans le côté vraiment dérangeant du texte. Il faut d'ailleurs souligner ici la performance d'actrice de Nouche, qui réussit en restant allongée et quasi immobile tout au long de la pièce à faire ressortir toutes les modulations de tension de son personnage.
Aborder le thème du suicide et de ce qu'on appelle communément la "folie" (ici, un personnage psychotique), n'est jamais chose aisée au théâtre. On court toujours le risque de ne pas être dans le ton, d'en faire trop, et ainsi de tuer par un jeu excessif la force d'un texte dur. Ce n'était pas le cas ici. Belle mais difficile prestation donc.
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