Encore un passage par le Stone ! Cette fois-ci pour écouter Brian Marsella interpréter quelques "Bagatelles" de John Zorn au sein d'un classique trio piano, contrebasse, batterie. Les "Bagatelles" sont un recueil de 300 compositions écrites par Zorn début 2015. A la manière de sa démarche avec le "Book of Angels", second songbook de Masada, il confie à différents ensembles le soin de les faire vivre sur scène. Mais à la différence de Masada, aucun enregistrement n'est prévu, il s'agit d'une musique destinée uniquement au concert.
C'est ma première confrontation avec ce nouveau corpus zornien. Et donc, à quoi ça ressemble ? Comme pour les compositions de Masada, les "Bagatelles" tiennent sur cinq portées maximum si j'en crois les partitions posées sur le piano de Marsella. Il s'agit de pièces relativement courtes, donc, qui laissent beaucoup d'espace à l'improvisation. On y retrouve en effet cette obsession permanente de Zorn : comment composer à partir du geste improvisé, sans en perdre la fraîcheur ? Cela pourrait s'apparenter à des compositions de Masada sans l'utilisation de la gamme hébraïque et avec un attachement beaucoup moins grand à l'aspect mélodique. L'écriture semble ainsi mettre l'accent sur des éléments plus directement issus du langage jazz, avec des gimmicks propres à Zorn, comme cet art incessant des breaks abrupts et du zapping. Les morceaux agencent ainsi des courtes phrases bien distinctes qui s'entrechoquent constamment avant que la structure d'ensemble de la pièce n'émerge. Si on reconnaît le trait zornien, ça ne ressemble en fait pas vraiment à d'autres de ses travaux. Le plus proche est peut-être ce qu'il a écrit pour le Nova Express Quartet.
Brian Marsella, Trevor Dunn et Tyshawn Sorey prennent la plupart des morceaux uptempo. Je ne sais pas si c'est une caractéristique générale des "Bagatelles" ou si c'est le fruit de leur sélection. Du coup, la virtuosité est ce qui ressort le plus. Ça va vite, très vite, avec des virages à angle très serré qui donnent le tournis à l'auditeur. Tyshawn Sorey est particulièrement impressionnant dans cette alliage de puissance et de musicalité qu'il dégage, semblant toujours en parfaite maîtrise des effets qu'il produit même dans des passages au rythme particulièrement enlevé. Brian Marsella, plutôt entendu sur des claviers électriques jusque là, s'amuse sur le grand piano à coup de grappes d'accords dissonants qui évoquent des sortes d'études ligetiennes désorganisées. Toute la magie de l'écriture de Zorn est de réussir à laisser émerger une sorte de chaos apparent au sein des morceaux, tout en maintenant clairement une direction pour ne pas se perdre dans d'interminables divagations. Et ça marche très bien.
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