dimanche 18 août 2013

Pharoah & The Underground @ Fundação Calouste Gulbenkian, dimanche 11 août 2013

La dernière soirée de cette 30e édition de Jazz em Agosto réunit Pharoah Sanders et les deux laboratoires musicaux de Rob Mazurek : Chicago Underground (Matthew Lux, basse, et Chad Taylor, batterie) et São Paulo Underground (Mauricio Takara, cavaquinho, percussions, machines, et Guilherme Granado, claviers, live sampling et machines). Le public est nombreux pour accueillir la légende Sanders. C'est le seul concert, avec ceux de Zorn, qui remplit complètement les gradins de l'amphithéâtre de la fondation Gulbenkian. L'entrée en scène de Sanders est un peu laborieuse, il se déplace lentement, soutenu par Mazurek, avant de trouver sa place sur le devant de la scène. Il mettra aussi un certain temps avant de trouver sa place musicalement.

Rob Mazurek aime créer des jungles rythmiques électro-acoustiques très denses. Que ce soit à la tête des différentes déclinaisons du Chicago Underground (duo, trio, quartet, orchestra), de l'Exploding Star Orchestra ou de ses autres ensembles (très bon Skull Sessions en octet paru cette année chez Cuneiform), il commence toujours par établir de foisonnants paysages rythmiques composés de multiples couches percussives, de lignes de basse répétitives, de cellules mélodiques simples et enivrantes, et d'une forte dose d'effets électroniques. Le concert de ce soir ne déroge pas à la règle. Entre goût des boucles obsédantes issues du post-rock et subtilités percussives brésiliennes, le groupe fait honneur aux deux villes qui lui servent de boussole. Sur cette profusion rythmique continue, parcourue de samples réalisés en direct par Granado et réinjectés dans la masse sonore pour en accentuer le foisonnement, Mazurek et Sanders sont là pour poser des solos. Le cornettiste propose des phrases puissantes, avec une forte utilisation d'effets électroniques, et parcourt la jungle sonore à l'aide d'hymnes vigoureux.

Castelo São Jorge, depuis le Chiado

Pharoah Sanders est plus parcimonieux dans ses interventions en début de concert, comme s'il avait du mal à savoir comment prendre d'assaut cette forteresse rythmique. Il fait quelques essais, sous les encouragements de Mazurek, mais semble à chaque fois renoncer au bout de quelques phrases trop tranquilles pour pouvoir percer le mur du son percussif. Sanders est en fait plus préoccupé par ses jambes qui lui font mal. Au point de finir par aller demander une chaise pour pouvoir se reposer entre ses interventions. L'effet est bénéfique, parce qu'il semble alors enfin être en disposition pour entrer dans le concert. Ses solos se font plus puissants, le son plus affirmé. Non qu'il éructe comme aux plus belles heures des roaring sixties, mais il prend le discours à son compte et insuffle une bonne dose de sérénité mystique à l'aide d'un son rond, chaud et soyeux. Il y a alors comme une résonance entre le tapis rythmique des Undergrounds et les percussions psychédéliques qui l'accompagnaient dans ses disques du tournant des 60s/70s. Sanders ne cherche pas à tirer la couverture à lui et sa prestation ne peut s'assimiler à quelques solos de gala. Il prend part à la construction de la musique, et apporte par exemple quelques contrepoints, comme des ponctuations, lors des interventions de Mazurek. Plaisir retrouvé, douleurs disparues, il va même jusqu'à esquisser quelques pas de danse en fin de concert.

Outre les deux souffleurs, on retiendra aussi les interventions originales de Mauricio Takara au cavaquinho électrique (étrange sonorité !) qui détermine les changements de direction au sein de la jungle rythmique, et le drumming grondant de Chad Taylor qui s'accorde parfaitement avec la sonorité du ténor de Pharoah Sanders. Le concert - le plus long du festival - se conclut sous des applaudissements chaleureux, comme pour célébrer la résurrection du saxophoniste.

A lire ailleurs : Philippe Méziat.

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