mercredi 14 août 2013

John Zorn - Electric Masada @ Fundação Calouste Gulbenkian, dimanche 4 août 2013

Parmi les centaines de compositions que compte le répertoire de Masada, c'est toujours le même corpus d'une dizaine de pièces que parcourt la version électrique de l'ensemble. Le parti pris de John Zorn quand il a commencé à écrire ces morceaux était de coucher sur cinq portées maximum des mélodies faciles à retenir et à siffloter. Avec l'Electric Masada, il semble encore renforcer les contraintes en ne retenant que quelques unes de ces mélodies pour constamment jouer de tous les champs du possible au sein d'un système bien délimité. La démarche n'est finalement pas sans évoquer Coltrane revenant toujours vers My Favorite Things, Afro Blue, Naima ou Crescent en concert.

Et ça marche ! On a beau connaître le principe par cœur depuis dix ans et notre première confrontation avec l'orchestre à Jazz à Vienne (juillet 2003, première tournée européenne et première rencontre avec Zorn en live pour ma part), le plaisir surgit toujours du sein de cette matière sonore en fusion permanente. L'exemple le plus emblématique en est sans doute Hath-Arob, composition qui laisse délibérément une place au chaos (sur la partition, un gribouillis interrompt les quelques notes qui déroulent une mélodie minimale) : à  chaque fois, en concert, c'est une découverte renouvelée par la magie mêlée de gestes qui semblent très contrôlés (Zorn dirige à la seconde près qui doit intervenir et sous quelle forme) et du son qui semble absolument spontané.

Dans l'Alfama

Ce concert lisboète confirme par ailleurs l'impression installée par celui de The Dreamers l'avant-veille : l'insistance de Zorn à mettre Jamie Saft en avant, ici au rhodes et à l'orgue hammond. Celui-ci ne s'en laisse pas prier et propose des solos absolument jouissifs qui mêlent groove puissants, nappes chaotiques et mélodies naïvement exposées. Zorn s'autorise également de nombreux jeux avec les possibilités offertes par la présence de deux batteries (Kenny Wollesen et Joey Baron), jouant autant de l'intensité rythmique qu'il ne souffle dans son sax finalement. Cet ajout d'une deuxième batterie - qui n'était pas prévu à l'origine du projet, à Vienne en 2003 le groupe n'était encore qu'un sextet sans Joey Baron ni Ikue Mori par exemple - est sans doute l'une des meilleures idées qu'a eu Zorn quand il a fixé le cadre au sein duquel il allait pouvoir s'amuser à chahuter ses propres compositions. L'identité sonore de l'Electric Masada repose avant tout sur cette jungle rythmique permanente, enrichie des interventions digitales d'Ikue Mori et de l'exotisme ludique de Cyro Baptista.

Encore une fois, Marc Ribot apparaît par conséquent en retrait, prenant moins de solos dévastateurs que d'habitude. Il semble donc qu'il y ait une réelle volonté de Zorn de rééquilibrer les forces en présence au sein de son orchestre aux deux visages (Dreamers / Electric Masada) pour en tirer des couleurs plus riches et multiples encore qu'à l’accoutumée. S'il a droit à peu de passages de guitar hero, Ribot reste quand même un élément essentiel du son d'ensemble avec ses zébrures constantes qui irriguent l'orchestre. Il faut voir le public hocher la tête comme à un concert de métal sur le rythme extrêmement lourd de la version d'Idalah-Abal pour comprendre l'apport toujours aussi primordial du guitariste à ce groupe.

Par leur réussite (plaisir mêlé des retrouvailles et du renouvellement), ces trois soirées dans le cadre de Jazz em Agosto nous font saliver d'avance à l'idée de retrouver dans moins d'un mois désormais Zorn et sa troupe - et même encore plus - à la Villette pour un marathon qui aura l'avantage de proposer une vue différente, et complémentaire, de l'univers du pape de la Downtown Scene. Mais avant cela, il me reste quelques autres très beaux concerts lisboètes à vous relater !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire