jeudi 11 mai 2006

IXO / Ellery Eskelin, Andrea Parkins, Jim Black, Jessica Constable @ Le Triton, samedi 7 mai 2006

Compte-rendu un peu tardif du concert de samedi dernier au Triton. Il faut dire que ce concert m'a littéralement mis k.o. pendant les quelques jours qui ont suivi : de l'inconvénient de ne pas vouloir rater le passage d'Ellery Eskelin malgré une crève montrant le bout de son nez. Le contre-coup a été rude. Heureusement, musicalement, la soirée fut réussie.

La première partie était l'œuvre du quartet français IXO, composé d'Yvan Robilliard au piano, Elise Dabrowski à la contrebasse et un peu au chant, Alexandre Authelain au sax ténor et à la clarinette basse, et enfin Emiliano Turi à la batterie. J'avais déjà eu l'occasion de voir les deux derniers sur scène en février lors d'un concert de Mop - groupe dont Turi est le batteur et dont Authelain était l'invité ce soir-là. La musique d'IXO se ressent d'un amas d'influences et d'une volonté d'organiser un discours en apparence déconstruit. Le groupe joue ainsi beaucoup, ai-je trouvé, sur la tension entre articulation et désarticulation, en enchainant les passages au déroulé linéaire à ceux basés sur l'accumulation désordonnée des énergies (et vice-versa). Yvan Robilliard, intervenant à la fois au piano et au fender rhodes, souvent avec une main sur chaque, est celui qui m'a fait la plus forte impression dans les changements de directions et de climats qu'il impulsait. Particulièrement vif dans l'expression de ses idées, il est un peu le moteur du groupe. En revanche, le discours d'Emiliano Turi m'avait semblé plus varié et plus subtil au sein de Mop. Samedi dernier, la palette expressive à laquelle il a eu recours m'a semblé moins large, se contentant d'alterner bruissements et explosions quasi binaires. Si j'adhère assez au type de musique proposée, je n'ai en revanche pas eu la sensation d'être véritablement transporté par IXO samedi soir. Mais c'était sans doute aussi dû à mon mal de crâne montant (le fender rhodes me paraissant d'ailleurs beaucoup trop fort !).

La deuxième partie était l'œuvre du fameux trio Eskelin-Parkins-Black, désormais augmenté de la chanteuse british Jessica Constable. C'était la première fois que j'avais l'occasion de voir en concert le trio, même si j'ai déjà croisé la route de Jim Black plus d'une fois. Que dire de ce groupe majeur qui n'a déjà été dit ? La sonorité d'Eskelin au ténor n'a pas vraiment d'équivalent. Il semble en permanence être dans le rôle d'un funambule qui avancerait à la fois avec la force de celui qui croit en ses capacités et les hésitations de celui pour qui le moindre faux pas peut être fatale. Cela donne une musique qui s'exprime à la fois par la puissance du son et par les subtils déséquilibres du discours. Cet aspect un peu brinquebalant est aussi celui sur lequel joue Jim Black, capable qu'il est de marier l'enthousiasme juvénile du rock et l'approche plus parcimonieuse d'un coloriste bruitiste. Andrea Parkins, elle, apporte une autre dimension à la tête de son accordéon, de ses claviers, de ses pédales et de ses samplers. Elle instaure un climat un peu inquiétant, proche d'une sorte d'illbient urbain, où l'accordéon semble tout droit sorti d'une fin de bal populaire fantomatique qui aurait particulièrement mal tourné. Toute l'identité sonore de ce groupe se trouve là, dans ce jeu de contrastes où se mêlent les fantômes du jazz, du rock, des musiques électroniques et de quelques folklores populaires plus ou moins obscurs. L'arrivée de Jessica Constable dans le groupe accentue peut-être la dimension climatique - jusqu'à présent essentiellement servie par Andrea Parkins - car la chanteuse joue plus sur les effets vocaux - qu'elle modifie constamment à l'aide d'un petit boîtier - que sur le discours articulé. Sa voix, qui n'a pas une ampleur extraordinaire, fait penser à une toile monochrome sur laquelle ne serait perceptible que de très subtiles variations, liées par exemple au changement de direction des poils du pinceau. L'aspect quasi statique de ses interventions accentue le caractère particulièrement fantomatique, et comme en équilibre instable, de la musique du trio. Comme si Eskelin cherchait de plus en plus à figurer musicalement une explosante fixe chère aux surréalistes. J'aurai bien aimé être plus en forme pour profiter à plein de la musique proposée, mais je crois que j'ai quand même bien fait de ne pas renoncer au concert, et ce malgré les conséquences... En espérant les revoir ultérieurement dans un contexte plus favorable.

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