Samedi soir à La Fontaine, Guillaume Orti et Olivier Sens présentaient leur projet Reverse au sein duquel le saxophone alto de Guillaume interagit avec l'ordinateur manipulé par Olivier. Le concert s'est déroulé en deux parties. Dans un premier temps, les deux musiciens ont joué en duo, comme sur leur récent dique, avant d'être rejoints par le tromboniste Geoffroy de Masure pour le second set.
La Fontaine était loin d'être pleine pour cette expérience qui sort, il est vrai, de l'esthétique générale des concerts habituellement programmés en ce lieu. Le public est devenu encore plus clairsemé à la pause. Nous devions être à peine une vingtaine à suivre le deuxième set. Un peu dommage car, si cette musique est incontestablement exigeante, elle n'en propose pas moins une approche de l'électronique particulièrement intéressante, qui tranche singulièrement avec ce qui se fait habituellement dans le genre. Olivier Sens, par ailleurs éminent contrebassiste, a en effet développé un logiciel qui réagit à ce qui sort des instruments acoustiques, en l'occurence sax alto et trombone samedi soir. S'il se sert également de son ordinateur comme d'une machine à samples destinés - plus traditionnellement - à accompagner le discours du ou des solistes, c'est vraiment par son caractère réactif que sa démarche trouve son originalité. Par ce fait, c'est presque autant Olivier Sens que Guillaume Orti qui joue de l'ordinateur puisque le saxophoniste est obligé de prendre en compte l'effet qu'il aura sur la machine. Pour mieux comprendre la démarche d'Olivier Sens, je vous encourage vivement à lire le passionnant entretien qu'il a accordé à Laurent pour Citizen Jazz.
Mais, au delà de l'aspect intéressant de la démarche, ça sonne comment ? De manière fort variée tout d'abord. Il y a des passages où l'ordinateur agit comme une rythmique (la traditionnelle basse-batterie) réagissant au tempo imprimé par le saxophoniste. A ces moments, on est assez proche du langage jazz classique. A d'autres moments, l'ordinateur retraite plutôt les sonorités du saxophone comme sur la relecture de Miss Ann d'Eric Dolphy au cours de laquelle Guillaume Orti jouait les phrases et attaquait les notes à l'envers et où l'ordinateur restituait cela à l'endroit. Il arrive également que l'ordinateur ait un rôle plus atmosphérique, créant des sortes d'obstacles sonores avec lesquels le saxophoniste doit jouer. Dans tous les cas, la musique demande une bonne dose de concentration, liée qui plus est à la formule du duo qui se résume bien souvent à une sorte de solo pour saxophone trituré. La deuxième partie, avec l'arrivée de Geoffroy de Masure au trombone m'a semblé plus facile à suivre, jouant plus sur le registre du plaisir - avec plus d'éléments auxquels se raccrocher, en droite lignée des développements rythmiques issus de la nébuleuse du Hask, dont les trois musiciens furent d'éminent représentants il y a quelques années. L'étoffement de la formule instrumentale entamé par Guillaume Orti et Olivier Sens lors d'une récente résidence à Bordeaux devrait ainsi leur permettre de mieux subordonner l'expérimentation et la technologie au discours purement musical - ce que cette démarche originale mérite pleinement.
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