vendredi 24 mars 2006

Marc Ducret Trio @ La Fontaine, jeudi 23 mars 2006

Depuis lundi, et jusqu'à samedi, a lieu à La Fontaine une semaine spéciale Marc Ducret. Un si grand musicien dans une si petite salle, ça provoque deux réactions : la joie de pouvoir le voir au plus près d'une part, l'amertume de voir un tel musicien obligé de jouer dans un tel lieu faute d'alternative de l'autre.

Pour le voir au plus près, il faut un peu jouer des coudes ceci dit, tellement le lieu est bondé par un public jeune, essentiellement masculin, chevelu et barbu. A la tête du public, on a déjà un indice sur la musique proposée. Pour l'occasion, le guitariste est à la tête de son trio régulier composé de Bruno Chevillon à la contrebasse et d'Eric Echampard à la batterie, eux aussi incontournables des musiques improvisées en France. Je me souviens d'un concert mémorable où ils accompagnaient Michel Portal, Bojan Z. et Paolo Fresu il y quelques années à la Grande Halle de la Villette. Les deux m'avaient alors fait une énorme impression : Echampard par sa frappe sèche et puissante, Chevillon par l'étendue illimitée de sa palette expressive, acoustique et électrique, à l'archet ou en pizzicati, par delà le jazz et le rock.

Le concert a commencé par un morceau intitulé L'ampleur des dégats, dédié par Ducret à notre Ministre de l'Intérieur. De fait, ce morceau ressemble à la bande son idéale des images de manifs relayées par les médias où les casseurs sont trois fois plus nombreux que les manifestants. Un son très incisif, heurté et percussif à la guitare, qui se fluidifie progressivement pour s'achever vers des éléments un peu rhythm'n'blues. La force de frappe d'Echampard est ici à son maximum : ça fait du bruit. C'est puissant, rapide, sec, mais pourtant pas du tout lourd, grâce à une grande musicalité et un sens des nuances assez remarquable à ce niveau de puissance sonore. Les morceaux de Ducret prennent le temps de raconter une histoire, d'évoluer en fonction du contexte (disposition de la salle, réception du public, interaction entre les trois musiciens...). Ainsi, le concert ne sera composé que de cinq morceaux : trois pour le premier set et deux pour le deuxième, mais avec des développements qui vont de 20 minutes à près d'une heure sur le dernier morceau. Sur les cinq morceaux, trois ont été annoncés. Outre le morceau inaugural déjà cité, on a eu droit à Un certain malaise et au Menteur. Des titres pour le moins explicites et qui collent d'ailleurs assez bien à la musique de Ducret, pas faite pour brosser dans le sens du poil (mais plutôt pour le hérisser... de plaisir bien entendu). Sur Le Menteur, qui a ouvert le second set, Bruno Chevillon a proposé l'un des plus beaux solos de la soirée, où l'on entendait les différents matériaux comme rarement : bois, cordes, doigts, crissements de l'archet... on était face à un véritable sculpteur sonique, qui maléait devant nous sa matière première pour en faire une œuvre expressive et puissante.

De là où j'étais placé, je voyais Ducret de dos, faisant osciller son corps pour quasiment l'entourer autour de sa guitare, rebondir dans tous les sens et dans toutes les directions musicales : des solos ancrés dans le rock, un détachement des notes parfois plus jazz, des éléments bruitistes, des mélodies qui puisent dans le rhythm'n'blues et une énergie créative qui se situe bien au-delà des genres. Si vous ne savez pas quoi faire ce week-end, il vous reste deux soirs pour les voir (entrée libre) !

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