mercredi 14 décembre 2005

Sonia Wieder-Atherton / Chantal Akerman - D'Est en musique @ Cité de la Musique, mardi 13 décembre 2005

Dans le cadre de son cycle Musique & Cinéma, la Cité de la Musique proposait hier soir un spectacle conçu par Sonia Wieder-Atherton autour d'images tirés du documentaire D'Est de Chantal Akerman. La violoncelliste, accompagnée par le pianiste Laurent Cabasso, interprétait quelques oeuvres de Rachmaninov, Janacek, Schnittke et Prokofiev pendant que des images du "film-voyage" de Chantal Akerman étaient projetées sur un écran.

Au départ, D'Est est un documentaire tourné par la réalisatrice belge peu après la chute du communisme, entre l'été 1992 et l'hiver 1993. Elle suit un périple qui la mène de l'Est de l'Allemagne jusqu'à Moscou, semblable en bien des points au plus récent voyage de Wolfgang Büscher dont je me faisais l'écho il y a quelques mois. Originaire d'une famille juive polonaise, Chantal Akerman, bien qu'adepte d'un certain "cinéma-vérité" dans ses documentaires, porte un regard empreint de tendresse sur les personnes qu'elle filme dans le dénuement encore très présent du début de la transition. Pour le concert d'hier soir, Sonia Wieder-Atherton avait sélectionné uniquement certains passages du film, pas forcément diffusés dans l'ordre du récit d'ailleurs. Il s'agissait donc plus d'un spectacle à part entière que d'une simple juxtaposition d'un film et de musiques.

Ce n'est pas la première fois que Sonia Wieder-Atherton collabore avec Chantal Akerman. Pour le film Histoires d'Amérique qui évoque l'immigration juive aux Etats-Unis, la réalisatrice avait ainsi fait appel à la violoncelliste pour arranger et interpréter des chants juifs traditionnels en guise de bande son. Par ailleurs, Chantal Akerman est également la réalisatrice d'un beau documentaire consacré à Sonia Wieder-Atherton qu'Arte avait diffusé il y a quelques temps. Il y a donc une véritable communauté d'esprit, au delà de leurs champs d'expression privilégiés, entre les deux femmes.

Pour le concert d'hier soir, les deux musiciens étaient situés derrière la toile tendue qui servait d'écran de projection. On ne les voyait par conséquent pas pendant la majeure partie de la projection. Les changements de toile pour l'écran permettaient cependant de les apercevoir par moment, quand l'écran blanc cédait sa place à une toile noire.

Le concert a commencé par la Vocalise pour violoncelle et piano de Sergueï Rachmaninov, pendant que des images de femmes travaillant dans des champs étaient projetées. Ensuite, la Sonate pour violoncelle et piano du même Rachmaninov déployait son charme post-romantique sur un ballet de voitures roulant de nuit sous la neige. Ont suivi une adaptation pour violoncelle seul d'un Chant sur un poème morave de Leos Janacek, sur des images d'une foule attendant - sans doute un bus - à la tombée de la nuit, puis la Sonate pour violoncelle et piano n°1 d'Alfred Schnittke, alors que des enfants jouaient dans la neige. Certaines images faisaient écho à celles projetées pendant la sonate de Rachmaninov. C'était assez intéressant de voir les mêmes foules allant et venant - dans ce qui semblait être un hall de gare - aux sons très différents du romantisme tardif du compositeur russe et de l'approche plus contemporaine de son successeur germano-russe. Enfin, le concert s'est achevé sur l'Adagio pour violoncelle et piano de Sergueï Prokofiev et la projection d'images d'un thé-dansant pour personnes d'un âge que nous qualifierons de mûr. C'était d'ailleurs assez amusant de voir le décalage qui existait entre la musique de Prokofiev et les gestes de danse des couples (tous différents d'ailleurs, certains dansant la valse, d'autres le rock, et des troisièmes des danses assez peu orthodoxes), tout en constatant que malgré tout, ça marchait, comme si les mouvements de la pièce de Prokofiev mettaient en évidence le sens caché de ces gestes désordonnés.

Avec des compositeurs que j'aime assez (même si j'aurais bien aimé un peu plus d'oeuvres de Janacek), ainsi qu'une cinéaste et une violoncelliste pour qui j'ai une grande estime, c'était difficile d'être déçu et je partais un peu convaincu d'avance. Pas vraiment de surprise par conséquent, mais un grand plaisir pendant la petite heure et demi qu'a duré le spectacle.

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