Sixième et dernière soirée pour moi dans le cadre de l'édition 2005 de Jazz à la Villettehier au Trabendo. Pour conclure ce programme essentiellement américain jusqu'à présent, deux groupes européens : les Belges d'Aka Moon tout d'abord, suivi du Magic Malik Orchestra. Deux excellentes prestations pleines d'une bouillonnante énergie.
Le concert a commencé on ne peut plus à l'heure (à 20h00 pile !), et Aka Moon n'a pas eu besoin d'échauffement pour entrer dans le vif du sujet. Le trio belge - Fabrizio Cassol au sax alto, Michel Hatzigeorgiou à la basse et Stéphane Galland à la batterie - joue une musique tourbillonnante, pleine d'énergie, qui allie puissance, rapidité et sens de la boucle pour installer un groove imparrable. Stéphane Galland est explosif à souhait, Michel Hatzigeorgiou est l'élément chaleureux du groupe, domptant le rythme pour le rendre plus bondissant, et Fabrizio Cassol, dans un style qui emprunte à Steve Coleman et Tim Berne, est délicieusement entêtant dans ses explorations puissantes et vives (mais pas hurlantes). Fortement inspiré par la démarche du M-Base colemanien - un peu à la manière de la Nébuleuse du Hask en France, le cousinage avec Thôt est assez évident - le groupe a aussi longuement côtoyé les musiques africaines et indiennes, ce qui a certainement accru son sens des rythmes obsédants et faussement répétitifs. Au milieu du concert, Michel Hatzigeorgiou nous a gratifié d'un long solo épatant en introduction d'un morceau, s'auto-samplant rythmiquement pour improviser dessus de manière plus mélodique. Quand il est rejoint par ses deux comparses après ces cinq minutes entêtantes, le public est aux anges ! Il le restera jusqu'au bout tant la musique d'Aka Moon est joyeusement communicative. Seul petit regret : l'absence de rappel dû au minutage un peu trop serré du concert.
Pour la deuxième partie, Magic Malik proposait une version agrandie de son Orchestra. De cinq musiciens originellement, on était hier passé à dix. Si on retrouvait la cellule-souche de l'Orchestra avec Malik à la flûte et au chant, Denis Guivarch au sax alto, Or Solomon au piano et au synthé, Sarah Murcia à la contrebasse et Maxime Zampieri à la batterie, il fallait en plus compter sur Bo van der Werf au sax baryton, Laurent Blondiau à la trompette, Gilles Coronado à la guitare, Jean-Luc Lehr à la basse électrique et DJ Rebel aux platines. Pour qui connaît le sens du groove développé par Malik, le premier morceau avait de quoi surprendre avec des arrangements de cuivre faussement classiques, bien éloignés du jazz virevoltant de l'Orchestra habituel. Pourtant, petit à petit, l'air de rien, le rythme s'impose, et l'orchestre prend des accents funk. La démarche de Malik s'apparente de plus en plus à celle de Steve Coleman : un oeil sur la composition contemporaine, avec une certaine abstraction, un autre sur la musique populaire (le groove de la rue, les mélodies enfantines, etc.) pour faire tourner la machine. Dans l'ensemble, peu de solos de la part des musiciens (à part Malik, toujours aussi étonnant au chant-flûte) : un chacun son tour pendant le concert. Le jeu se concentre sur l'aspect collectif, alternant les passages en grande formation, et les formules plus réduites à trois ou quatre. Comme d'habitude, un petit grain de folie insufflé par Malik fait décoller l'ensemble, poussant des cris de sa voix aigue, chantant et jouant de la flûte simultanément, prennant des solos de flûte virevoltant, montrant de la main la marche à suivre à ses sidemen, entonnant un "Petit Papa Noël" pas tout à fait de saison au milieu d'un morceau, improvisant sur les remerciements une chanson à base des mots "merci" et "de rien"... La musique de l'Orchestra a des faux airs de "Piccolo Saxo et Compagnie" pour grands enfants amateurs de groove tournoyant. Le concert s'achève sur un formidable morceau très dansant qui finit de convaincre que, s'il a bien grossi depuis la dernière fois, l'Orchestra est toujours l'une des formations les plus entrainantes du jazz français. Formidable prestation de Malik et ses acolytes !
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