Hier soir, première de mes trois escapades dans le Val-de-Marne pour l'édition 2005 de Sons d'hiver. La salle des fêtes de l'Hôtel de Ville de Saint-Mandé accueillait pour l'occasion deux concerts. Tout d'abord un duo de batteurs entre Hamid Drake et Michael Zerang, suivi du groupe d'Archie Shepp avec Denis Colin comme invité.
La première partie fut une grande réussite. A travers une longue suite en hommage à Ed Blackwell (batteur historique du quartet d'Ornette Coleman et tambourinaire aux côtés de Don Cherry entre autres états de service), les batteurs chicagoans Hamid Drake et Michael Zerang nous ont offert une leçon d'art rythmique. Pas dans le sens démonstratif et épuisant que ce genre de performance peut laisser craindre, mais vraiment et pleinement dans celui d'un dialogue entre deux maîtres rythmiciens. D'abord tous les deux à la batterie, puis aux percussions africaines ou orientales (Zerang est d'origine irakienne). De subtils bruissements à des frappes telluriques, toute la palette émotionnelle que propose les percussions était présente hier. Sur la fin, Hamid Drake a même chanté un peu, dans un style très africain, rappelant en cela la connexion d'Ed Blackwell aux musiques dites "du monde", et notamment africaines. L'accueil enthousiaste réservé par le public (qui, vu sa composition plus âgée et embourgeoisée que les concerts auxquels j'ai l'habitude d'assister, était certainement venu voir la "légende" Shepp plutôt que ces batteurs issus de la scène alternative chicagoane) faisait plaisir à entendre et était totalement justifié. Hamid Drake brille décidemment à Sons d'hiver puisque je l'avais déjà vu dans le cadre du festival l'année dernière, à l'occasion de la soirée "Vision III"coorganisée avec le Vision Festival new-yorkais. Sa prestation avec le groupe Other Directions in Music (Matthew Shipp, William Parker, Roy Campbell, Daniel Carter) avait été le meilleur moment de la soirée.
La deuxième partie ne fut malheureusement pas à la hauteur. J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de Shepp et il n'est pas en cause. Le problème tenait aux conditions d'écoute absolument exécrables. Tout d'abord, l'acoustique de la salle (très longue, pas large) n'était visiblement pas faite pour accueillir des concerts (ce n'est pas le rôle d'une mairie, il est vrai), et en plus l'ingénieur du son n'aidait vraiment pas. Ceci n'avait pas été trop gênant pour la première partie, les deux musiciens jouant sur le même type d'instrument, mais pour la deuxième c'était la catastrophe. Le son paraissait lointain (seules les baffles à côté de la scène fonctionnaient alors qu'il y en avait pourtant d'autres réparties dans la salle). La batterie de Steve McCraven était beaucoup trop présente et écrasait complètement les autres instruments, notamment la contrebasse de Wayne Dockery et la clarinette basse de Denis Colin, qu'on avait beaucoup de mal à entendre. Une fois sur deux l'ingénieur du son oubliait d'ouvrir le micro de Shepp quand celui-ci voulait chanter. Pareil pour la guitare de Stéphane Guéry. Finalement seuls les micros pour le ténor de Shepp et pour le piano de Tom McClung fonctionnaient de manière à peu près convenable (par rapport au reste en tout cas). Bref, ce concert fut un peu "comment gâcher de la belle musique en dix leçons". Les musiciens tentaient tant bien que mal de combler ces désagréments par leur engagement, mais ils semblaient eux aussi passablement agacés par le sort qui leur était reservé. Malgré tout, il y eut quelques bons moments, quand on arrivait à s'extraire un minimum du contexte sonore. Notamment la belle prestation de Denis Colin sur Mama Rose, thème phare du répertoire sheppien. Pour le reste, la présence de Stéphane Guéry sur certains morceaux renforçait de manière parfois un peu inutile leur caractère rhythm'n'blues. J'ai personnellement préféré les morceaux - en général plus strictement jazz - sur lesquels il n'intervenait pas. En tout cas, un concert qu'il faudra vite oublier, et pour une fois même pas à cause des musiciens. Un comble !
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