Il y a des musiciens qu'on ne se lasse pas de voir sur scène. C'est le cas d'Henri Texier. Quelque soit le groupe qui l'accompagne on est à peu près sûr de passer un très bon moment. Ce fut à nouveau le cas pour moi hier soir au Théâtre Simone Signoret de Conflans-Sainte-Honorine, où Texier se produisait avec son Strada Sextet. Je l'avais vu une première fois avec cette formation en 2003, à l'occasion du festival Jazz à la Villette. Le groupe en était alors à ses débuts, puisqu'il avait été fondé quelques mois plutôt, d'abord sous la forme d'un quintet, puis d'un sextet par l'adjonction du guitariste Manu Codjia. Depuis ce premier concert le groupe a sorti un formidable disque l'année dernière, que j'ai d'ailleurs classé dans mon top 5 des disques 2004 il y a peu.
En 2003 les deux saxophonistes, François Corneloup au baryton et Sébastien Texier à l'alto (et aux clarinettes), m'avaient fait la plus forte impression. Ils menaient le groupe avec une énergie incroyable et nous avaient gratifié de solos mémorables. Hier soir c'est le tromboniste Gueorgui Kornazov (originaire de Bulgarie) qui m'a le plus réjoui. L'expressivité de son jeu était exceptionnelle. Bien sûr, la mise en valeur des solistes n'est possible que par la qualité jamais démentie de l'écriture de Texier. Il est pour moi l'un des mélodistes essentiels de la musique actuelle, tous genres confondus. Ses morceaux sont de véritables chansons (même si sans chanteur) dans tout ce que ce terme peut avoir de positif. Une nouvelle preuve nous a été offerte d'emblée avec le morceau "Work Revolt Song" qui ouvrait le concert. Il s'agissait d'un morceau que je ne connaissais pas, jamais entendu ni sur disque ni en concert, mais que j'ai immédiatement adoré. Le climat qui s'en dégageait, tendrement mélancolique, doux-amer, était somptueux. Les autres morceaux du concert m'étaient, eux, connus, qu'il s'agissent des morceaux tirés du disque du Strada Sextet ou de morceaux plus anciens de Texier popularisés par d'autres de ses groupes comme les somptueux "Sacrifice" et "Awa", mais ça fait toujours plaisir de les entendre live.
Par rapport au concert de 2003, un autre changement - positif - est dû à Manu Codjia qui a véritablement trouvé sa place dans le groupe désormais, ce qui n'était pas encore tout à fait le cas il y a deux ans. Codjia est l'un des musiciens que j'ai le plus vu sur scène depuis 3 ans : avec Texier (3 fois), avec Erik Truffaz, avec Daniel Humair, avec Rémi Vignolo ou récemment avec Dr Knock. Si au départ il faisait toujours "du Codjia" quelqu'ait été le groupe dans lequel il jouait (et c'était déjà assez exceptionnel), je trouve qu'au fil du temps il s'incorpore de mieux en mieux dans les différentes musiques qu'il côtoie au sein de tous les groupes qui font appel à lui. Il s'est ainsi imposé en quelques années comme l'un des guitaristes de tout premier plan sur la scène jazz hexagonale. Une nouvelle démonstration en fut donnée hier.
On pensait que Texier aurait du mal à monter un groupe aussi captivant que l'Azur Quintet, et pourtant son Strada Sextet est loin d'être en reste. Son aspect délicieusement cuivré dégage une "révolte" (puisque tel est le leitmotiv des titres de nombreuses compositions récentes de Texier) à laquelle on ne peut qu'adhérer.
dimanche 30 janvier 2005
dimanche 23 janvier 2005
Akosh S / Denis Charolles / Fantazio @ Lavoir Moderne Parisien, samedi 22 janvier 2005
Encore Akosh ! Cette fois-ci dans le cadre des soirées "La Belle Ouïe Night Fever"organisées par le Lavoir Moderne Parisien et Labelouïe, le label monté autour de la Campagnie des Musiques à Ouïr (Denis Charolles, Christophe Monniot, Rémi Sciuto). Le saxophoniste hongrois partageait hier soir la scène du LMP avec Denis Charolles (batterie, percussions, trombone, guitare, trompette, claviers, etc.) et Fantazio, chanteur-contrebassiste fasciné par le personnage d'Elephant Man et adepte du "contrebarissement".
Le concert débute par une chanson en solo de Denis Charolles, jouant simultanément de la guitare et de la batterie et chantant dans un franglais très "yoghourt". Le cadre est posé : résolument cabaret, à la fois bourré d'humour et musicalement de grande qualité. Après cette intro, Fantazio assure le show seul sur scène. Il joue de la contrebasse comme personne, de manière fort peu orthodoxe : il la frappe du pied, il en sort les effets les plus improbables, la slappe, la percute... Elle devient rock, folk, techno, jazz... Lui chante en anglais ou en français, des textes plus ou moins absurdes, souvent drôles, parfois amers. Il module constamment sa voix, un coup crooner, un coup gouailleur. Après quelques morceaux en solo, il est rejoint sur scène, selon les morceaux, par Denis Charolles, Stéphane Danielides au soubassophone ou Frank Williams à la guitare. Solo, duo, trio alternent au gré des humeurs de Fantazio.
Après cette première partie digne du meilleur cabaret, Fantazio cède sa place sur scène au duo Akosh S/Denis Charolles. Depuis l'Interstellar Space de Coltrane, le duo saxes-batterie est devenu l'un des formats privilégiés du langage free. Le premier mouvement fait d'ailleurs imanquablement penser à Trane : Akosh très lyrique au ténor, Denis Charolles qui fait gronder ses tambours, et les clochettes agitées par Akosh comme en écho à celles agitées par Trane il y a presque quarante ans. Par la suite, on retrouve le langage propre d'Akosh, entre fureur free et mélodies traditionnelles, moins expérimental que la veille, mais toujours sans concession. Le sommet du (long) premier morceau est atteint quand Akosh s'empare de la clarinette basse et que Charolles lui répond par les claviers et une trompette toute cabossée au son très doux, très onirique, qui fait penser à Arve Henriksen. Un moment d'une incroyable douceur au milieu de cet océan de rythmes free, magnifiquement prolongé d'ailleurs par la montée en puissance du mouvement suivant avec Akosh au soprano et Charolles à la batterie, instrument sur lequel il est particulièrement impressionnant. Après la longue suite qui faisait office de premier morceau, les deux compères proposent au public "une danse". Charolles au trombone et Akosh au soprano se jouent des musiques populaires (fanfares, valse...) avec un esprit espiègle qui colle parfaitement avec l'esprit de la soirée.
Après cet exercice de haut vol en duo, Fantazio, Stéphane Danielides et Frank Williams rejoignent Akosh et Charolles sur scène pour quelques morceaux particulièrement géniaux. Fantazio chante, principalement en italien cette fois, pendant que les autres improvisent en tous sens. Les chorus pris alors par Akosh sont d'une beauté à couper le souffle. L'ambiance monte d'un cran dans la salle. Les free-addicts venus pour Akosh se laissent entraîner par l'ambiance cabaret de Fantazio, formidable showman il faut dire. Après un salut collectif marquant la fin du concert, le traditionnel rappel se transforme en 45 minutes supplémentaires de concert. Frank Williams est le premier à revenir, interprétant à son tour en solo quelques chansons, en italien et en anglais. Puis, au bout de quelques morceaux, Fantazio le rejoint. Puis Denis Charolles. Les trois musiciens prolongent le plaisir, dans une ambiance plus ostensiblement rock. Le concert se conclut sur une ultime chanson de Frank Williams, à nouveau en solitaire.
Le concert débute par une chanson en solo de Denis Charolles, jouant simultanément de la guitare et de la batterie et chantant dans un franglais très "yoghourt". Le cadre est posé : résolument cabaret, à la fois bourré d'humour et musicalement de grande qualité. Après cette intro, Fantazio assure le show seul sur scène. Il joue de la contrebasse comme personne, de manière fort peu orthodoxe : il la frappe du pied, il en sort les effets les plus improbables, la slappe, la percute... Elle devient rock, folk, techno, jazz... Lui chante en anglais ou en français, des textes plus ou moins absurdes, souvent drôles, parfois amers. Il module constamment sa voix, un coup crooner, un coup gouailleur. Après quelques morceaux en solo, il est rejoint sur scène, selon les morceaux, par Denis Charolles, Stéphane Danielides au soubassophone ou Frank Williams à la guitare. Solo, duo, trio alternent au gré des humeurs de Fantazio.
Après cette première partie digne du meilleur cabaret, Fantazio cède sa place sur scène au duo Akosh S/Denis Charolles. Depuis l'Interstellar Space de Coltrane, le duo saxes-batterie est devenu l'un des formats privilégiés du langage free. Le premier mouvement fait d'ailleurs imanquablement penser à Trane : Akosh très lyrique au ténor, Denis Charolles qui fait gronder ses tambours, et les clochettes agitées par Akosh comme en écho à celles agitées par Trane il y a presque quarante ans. Par la suite, on retrouve le langage propre d'Akosh, entre fureur free et mélodies traditionnelles, moins expérimental que la veille, mais toujours sans concession. Le sommet du (long) premier morceau est atteint quand Akosh s'empare de la clarinette basse et que Charolles lui répond par les claviers et une trompette toute cabossée au son très doux, très onirique, qui fait penser à Arve Henriksen. Un moment d'une incroyable douceur au milieu de cet océan de rythmes free, magnifiquement prolongé d'ailleurs par la montée en puissance du mouvement suivant avec Akosh au soprano et Charolles à la batterie, instrument sur lequel il est particulièrement impressionnant. Après la longue suite qui faisait office de premier morceau, les deux compères proposent au public "une danse". Charolles au trombone et Akosh au soprano se jouent des musiques populaires (fanfares, valse...) avec un esprit espiègle qui colle parfaitement avec l'esprit de la soirée.
Après cet exercice de haut vol en duo, Fantazio, Stéphane Danielides et Frank Williams rejoignent Akosh et Charolles sur scène pour quelques morceaux particulièrement géniaux. Fantazio chante, principalement en italien cette fois, pendant que les autres improvisent en tous sens. Les chorus pris alors par Akosh sont d'une beauté à couper le souffle. L'ambiance monte d'un cran dans la salle. Les free-addicts venus pour Akosh se laissent entraîner par l'ambiance cabaret de Fantazio, formidable showman il faut dire. Après un salut collectif marquant la fin du concert, le traditionnel rappel se transforme en 45 minutes supplémentaires de concert. Frank Williams est le premier à revenir, interprétant à son tour en solo quelques chansons, en italien et en anglais. Puis, au bout de quelques morceaux, Fantazio le rejoint. Puis Denis Charolles. Les trois musiciens prolongent le plaisir, dans une ambiance plus ostensiblement rock. Le concert se conclut sur une ultime chanson de Frank Williams, à nouveau en solitaire.
samedi 22 janvier 2005
Akosh S & Erik M @ Point Ephémère, vendredi 21 janvier 2005
Radical. Et le mot est faible. La Bible évoque les trompettes de l'Apocalypse. Elle se trompe. Il s'agit en fait de saxophones. Ceux d'Akosh Szelevényi. Le concert d'hier soir au Point Ephémère est sans doute musicalement l'un des plus extrêmes auxquels j'ai pu assister. Akosh S (saxes ténor et soprano, clarinette basse, clarinette métal, flûtes...) se produisait en duo avec le turntablist Erik M qui officiait également aux samplers et autres machines électroniques. Erik M pousse l'art de manier les platines à son point extrême, penchant plus du côté de la musique bruitiste que du scratch et du groove habituels des turntablists. Akosh, quant à lui, nous a offert son penchant le plus free. Une approche mélodique réduite au minimum, priviligiant l'aspect expérimental de son jeu. Mais, malgré cette approche qui peut sembler peu engageante, le concert fut une vraie réussite.
Erik M est constamment inventif dans son maniement des platines et des instruments électroniques. Pas un mouvement, un rythme, un bruit, qui se répète. Le sampling en direct d'Akosh lui permet de doubler le souffle tellurique du Hongrois. L'utilisation des propres disques d'Akosh sur ses platines, mais aussi d'un piano free ou de musique de western donne quelques points de repère au milieu du magma bruitiste qu'il concocte. Et Akosh, même en privilégiant l'aspect le plus destructuré de son jeu comme hier, reste profondément ancré dans les mélodies traditionnelles de la grande plaine hongroise. On retrouve ainsi ici ou là une phrase, une courte mélodie plaintive, des rythmes, qui ont fait sa réputation au-delà de la sphère des free-addicts. Son utilisation de la clarinette métal, notamment, accentue cette dimension.
Au final, cette musique reste quand même assez éprouvante, et on ne sait ainsi plus trop si, quand on sort du concert, les courbatures sont dues à la position debout ou à la décharge sonore reçue. Une expérience vraiment extrême.
Erik M est constamment inventif dans son maniement des platines et des instruments électroniques. Pas un mouvement, un rythme, un bruit, qui se répète. Le sampling en direct d'Akosh lui permet de doubler le souffle tellurique du Hongrois. L'utilisation des propres disques d'Akosh sur ses platines, mais aussi d'un piano free ou de musique de western donne quelques points de repère au milieu du magma bruitiste qu'il concocte. Et Akosh, même en privilégiant l'aspect le plus destructuré de son jeu comme hier, reste profondément ancré dans les mélodies traditionnelles de la grande plaine hongroise. On retrouve ainsi ici ou là une phrase, une courte mélodie plaintive, des rythmes, qui ont fait sa réputation au-delà de la sphère des free-addicts. Son utilisation de la clarinette métal, notamment, accentue cette dimension.
Au final, cette musique reste quand même assez éprouvante, et on ne sait ainsi plus trop si, quand on sort du concert, les courbatures sont dues à la position debout ou à la décharge sonore reçue. Une expérience vraiment extrême.
vendredi 21 janvier 2005
Zsuzsanna Varkonyi @ Olympic Café, jeudi 20 janvier 2005
Superbe concert de la chanteuse et accordéoniste hongroise Zsuzsanna Varkonyi hier soir à l'Olympic Café. Ca faisait longtemps que j'en entendais beaucoup de bien, mais je n'avais encore jamais eu l'occasion de voir ce que ça donnait sur scène. Et bien c'était encore mieux que ce à quoi je m'attendais !
Les choses commençaient bien puisqu'en plus de ses musiciens habituels (Bruno Arnal à la contrebasse et aux percussions et Frédéric Norel au violon), je retrouvais le guitariste Csaba Palotaï, quitté il y a à peine une semaine sur la scène du Studio de l'Ermitage, comme invité surprise. Le répertoire interprété par le groupe allait de chansons traditionnelles hongroises de Transylvanie à des mélodies tziganes, traditionnelles comme modernes, mais aussi des chansons yiddish, une composition de Zsuzsanna en français et une reprise en anglais d'un poème de Garcia Lorca popularisée par Leonard Cohen.
Pour ne rien gâcher, la voix de Zsuzsanna est d'une pureté encheteresse, ce qui permet à ce petit bout de femme de pleinement habiter ses chansons et de dégager beaucoup de charisme tout en étant très économe en gestes et démonstrations sonores. Les musiciens qui l'accompagnent ne sont pas manchots non plus. J'ai déjà dit beaucoup de bien de Csaba Palotaï il y a peu, et ça se confirme, sur un répertoire différent. Le violoniste est également excellent, lui aussi joue "juste", sans en rajouter dans le lyrisme comme on le voit parfois dans les musiques centreuropéennes. Quant au contrebassiste, sa précision rythmique porte littéralement le groupe.
Entre les morceaux, Zsuzsanna a la bonne idée d'en traduire des extraits, agrémenter d'un délicieux accent et de non moins délicieuses (petites) fautes de français. Ca parle d'amour, de mort, de pute, d'exil, de tristesse, de joie... bref de la vie. Et ça fait un bien fou, aux oreilles, mais aussi un peu plus profond. A découvrir d'urgence pour ceux qui ne la connaissent pas encore !
Les choses commençaient bien puisqu'en plus de ses musiciens habituels (Bruno Arnal à la contrebasse et aux percussions et Frédéric Norel au violon), je retrouvais le guitariste Csaba Palotaï, quitté il y a à peine une semaine sur la scène du Studio de l'Ermitage, comme invité surprise. Le répertoire interprété par le groupe allait de chansons traditionnelles hongroises de Transylvanie à des mélodies tziganes, traditionnelles comme modernes, mais aussi des chansons yiddish, une composition de Zsuzsanna en français et une reprise en anglais d'un poème de Garcia Lorca popularisée par Leonard Cohen.
Pour ne rien gâcher, la voix de Zsuzsanna est d'une pureté encheteresse, ce qui permet à ce petit bout de femme de pleinement habiter ses chansons et de dégager beaucoup de charisme tout en étant très économe en gestes et démonstrations sonores. Les musiciens qui l'accompagnent ne sont pas manchots non plus. J'ai déjà dit beaucoup de bien de Csaba Palotaï il y a peu, et ça se confirme, sur un répertoire différent. Le violoniste est également excellent, lui aussi joue "juste", sans en rajouter dans le lyrisme comme on le voit parfois dans les musiques centreuropéennes. Quant au contrebassiste, sa précision rythmique porte littéralement le groupe.
Entre les morceaux, Zsuzsanna a la bonne idée d'en traduire des extraits, agrémenter d'un délicieux accent et de non moins délicieuses (petites) fautes de français. Ca parle d'amour, de mort, de pute, d'exil, de tristesse, de joie... bref de la vie. Et ça fait un bien fou, aux oreilles, mais aussi un peu plus profond. A découvrir d'urgence pour ceux qui ne la connaissent pas encore !
jeudi 13 janvier 2005
Grupa Palotaï @ Studio de l'Ermitage, mercredi 12 janvier 2005
Excellent concert du Grupa Palotaï hier soir au Studio de l'Ermitage. J'avais déjà pu voir le groupe en live l'année dernière au Centre Tchèque et, une nouvelle fois, ce fut un grand plaisir. Depuis le concert de l'année dernière Csaba Palotaï, le guitariste-leader du groupe, a participé à une masterclass au Canada avec Dave Douglas, Bill Frisell et Jason Moran. Des références on ne peut plus sérieuses ! L'influence des deux premiers s'entend d'ailleurs assez nettement dans la musique proposée par le groupe, formé en 1999 alors que ses membres étaient étudiants au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, devenu depuis quelques temps le vivier principal du jazz hexagonal inventif. Outre Csaba Palotaï, on retrouve deux jeunes saxophonistes très talentueux, Rémi Sciuto (Le Sacre du Tympan, la Campagnie des Musiques à Ouïr...) et Thomas de Pourquery (Andy Emler MegaOctet, Zimmermann/de Pourquery Quintet...), ainsi qu'une section rythmique composée de Didier Havet au soubassophone et Nicolas Mathuriau à la batterie. Voilà pour les présentations.
La musique jouée hier soir était une bonne illustration de l'identité sonore du groupe. A la croisée de plusieurs influences majeures : la Downtown Scene new-yorkaise, avec un Thomas de Pourquery aux accents zorniens au sax alto, la foisonnante scène jazz hongroise, notamment Gabor Gado autre guitariste essentiel de la connexion Paris-Budapest, et les musiques balkano-festives, influence soulignée par la présence du soubassophone en guise de basse et l'utilisation des saxes soprano et sopranino. Le concert d'hier soir était également pour le groupe l'occasion de présenter les morceaux de son nouvel album (Stompy Trashy, produit, comme le précédent, par l'indispensable label hongrois BMC), tout en reprennant quelques titres de leur premier disque sorti en 2002. L'écriture de Csaba Palotaï oscille constamment entre sérieux et humour, citant ici ou là quelques refrains archi-connus de la mémoire populaire ("Twist again", "Garota de Ipanema"...) pour mieux les triturer et se les approprier. Grâce à cela il propose une musique très joyeuse, mais qui ne lache rien sur le plan de la qualité musicale, servie par des sidemen vraiment talentueux. Le groupe joue ainsi de la tension entre familiarité et étrangeté, qui reflète finalement assez bien son caractère tout à la fois d'ici (Paris) et d'ailleurs (Budapest).
La musique jouée hier soir était une bonne illustration de l'identité sonore du groupe. A la croisée de plusieurs influences majeures : la Downtown Scene new-yorkaise, avec un Thomas de Pourquery aux accents zorniens au sax alto, la foisonnante scène jazz hongroise, notamment Gabor Gado autre guitariste essentiel de la connexion Paris-Budapest, et les musiques balkano-festives, influence soulignée par la présence du soubassophone en guise de basse et l'utilisation des saxes soprano et sopranino. Le concert d'hier soir était également pour le groupe l'occasion de présenter les morceaux de son nouvel album (Stompy Trashy, produit, comme le précédent, par l'indispensable label hongrois BMC), tout en reprennant quelques titres de leur premier disque sorti en 2002. L'écriture de Csaba Palotaï oscille constamment entre sérieux et humour, citant ici ou là quelques refrains archi-connus de la mémoire populaire ("Twist again", "Garota de Ipanema"...) pour mieux les triturer et se les approprier. Grâce à cela il propose une musique très joyeuse, mais qui ne lache rien sur le plan de la qualité musicale, servie par des sidemen vraiment talentueux. Le groupe joue ainsi de la tension entre familiarité et étrangeté, qui reflète finalement assez bien son caractère tout à la fois d'ici (Paris) et d'ailleurs (Budapest).
samedi 8 janvier 2005
The Last Poets @ Le Tryptique, vendredi 7 janvier 2005
Hier soir avait lieu un concert tout bonnement historique au Triptyque : The Last Poets, derniers poètes mais premiers rappeurs, se présentaient sur la scène du club de la rue Montmartre pour un show exceptionnel. Pour bien situer l'impact du groupe sur la musique afro-américaine, il faut rappeler qu'il a été formé à New York en 1968 et qu'il a été le grand précurseur des scènes rap, slam et spoken words, déclamant des poèmes très engagés sur un accompagnement musical minimaliste fait de percussions afros.
Pour la soirée d'hier, ils étaient précédés par deux slameurs français : Saury Foulah suivi de Linx-K. Les temps d'attente entre les sets étant assurés par le MC chicagoan Allonymous accompagné par un DJ qui avait un goût certain (Coltrane, The Art Ensemble of Chicago, Pharoah Sanders, Miles Davis période électrique...). Mais, si ces "premières parties" proposèrent quelques bons moments, ce n'était rien en comparaison de la performance du trio new-yorkais. Composé aujourd'hui du percussionniste Babatunde et des récitants Abiodun Oyewole et Umar Bin Hassan, le groupe n'a rien perdu de sa verve d'origine. Le concert a commencé par une incantation de Babatunde à Ellegua, cette divinité afro-américaine qu'on retrouve dans la santéria cubaine, le vaudou haïtien ou le candomblé brésilien (toutes ces religions syncrétiques puisant leur origine dans le panthéon yoruba des actuels Bénin et Nigéria) qui ouvre les portes et les chemins. Le pianiste cubain Omar Sosa commence lui aussi ses concerts et ses disques de cette manière. Après cette ouverture, Babatunde a été rejoint par les deux récitants, dont le style au micro oscille entre celui des prêcheurs des églises de Harlem, des blues shouters, et des leaders politiques charismatiques de la communauté afro-américaine. Abiodun Oyewole a un style plus "chanté" qui introduit un groove plein de soul dans son phrasé alors que Umar Bin Hassan est plus déclamatoire, plus proche de la poésie. La complémentarité des deux est en tout cas fabuleuse, captivant complètement l'auditoire par sa puissance déclamatoire, jouant constamment des tensions entre rudesse des textes et souplesse des voix. Le groupe a récité aussi bien des textes récents, dont "Terrorist" censuré par les médias américains, que quelques uns de leurs "tubes" du début des années 1970, dont les incontournables "Niggers are scared of revolution" et "This is madness" dans des versions un peu actualisées. Le groupe fut rejoint sur la fin par un saxophoniste soprano qui évoquait la filiation qui existe depuis plus de trente ans entre The Last Poets et les grandes figures du jazz à qui ils rendèrent d'ailleurs un hommage vibrant il y a quelques années dans un de leurs poèmes intitulé "Birds World". Seul petit regret, Mike Ladd, un des rappeurs contemporains majeurs et présent dans la salle, n'a fait que leur serrer la main. Une rencontre au micro aurait eu de la gueule. Mais, ne boudons pas notre plaisir, ce n'est pas tous les jours qu'on peut assister à un concert de telles légendes, et leur performance fut véritablement remarquable.
Pour la soirée d'hier, ils étaient précédés par deux slameurs français : Saury Foulah suivi de Linx-K. Les temps d'attente entre les sets étant assurés par le MC chicagoan Allonymous accompagné par un DJ qui avait un goût certain (Coltrane, The Art Ensemble of Chicago, Pharoah Sanders, Miles Davis période électrique...). Mais, si ces "premières parties" proposèrent quelques bons moments, ce n'était rien en comparaison de la performance du trio new-yorkais. Composé aujourd'hui du percussionniste Babatunde et des récitants Abiodun Oyewole et Umar Bin Hassan, le groupe n'a rien perdu de sa verve d'origine. Le concert a commencé par une incantation de Babatunde à Ellegua, cette divinité afro-américaine qu'on retrouve dans la santéria cubaine, le vaudou haïtien ou le candomblé brésilien (toutes ces religions syncrétiques puisant leur origine dans le panthéon yoruba des actuels Bénin et Nigéria) qui ouvre les portes et les chemins. Le pianiste cubain Omar Sosa commence lui aussi ses concerts et ses disques de cette manière. Après cette ouverture, Babatunde a été rejoint par les deux récitants, dont le style au micro oscille entre celui des prêcheurs des églises de Harlem, des blues shouters, et des leaders politiques charismatiques de la communauté afro-américaine. Abiodun Oyewole a un style plus "chanté" qui introduit un groove plein de soul dans son phrasé alors que Umar Bin Hassan est plus déclamatoire, plus proche de la poésie. La complémentarité des deux est en tout cas fabuleuse, captivant complètement l'auditoire par sa puissance déclamatoire, jouant constamment des tensions entre rudesse des textes et souplesse des voix. Le groupe a récité aussi bien des textes récents, dont "Terrorist" censuré par les médias américains, que quelques uns de leurs "tubes" du début des années 1970, dont les incontournables "Niggers are scared of revolution" et "This is madness" dans des versions un peu actualisées. Le groupe fut rejoint sur la fin par un saxophoniste soprano qui évoquait la filiation qui existe depuis plus de trente ans entre The Last Poets et les grandes figures du jazz à qui ils rendèrent d'ailleurs un hommage vibrant il y a quelques années dans un de leurs poèmes intitulé "Birds World". Seul petit regret, Mike Ladd, un des rappeurs contemporains majeurs et présent dans la salle, n'a fait que leur serrer la main. Une rencontre au micro aurait eu de la gueule. Mais, ne boudons pas notre plaisir, ce n'est pas tous les jours qu'on peut assister à un concert de telles légendes, et leur performance fut véritablement remarquable.